Explorateur, inventeur, expérimentateur, les mots se bousculent lorsque
vient le temps de décrire la place de Norman McLaren dans l’histoire
du cinéma d’animation. C’est que rares sont les créateurs qui
ont à ce point contribué à transformer leur art, ouvrant
quantité de voies nouvelles et marquant chacune d’elles de leur personnalité
gigantesque. On pense à Picasso, qui rendit d’ailleurs à McLaren
un hommage simple et éloquent en déclarant, après avoir
vu Hen Hop en 1942 : « Enfin, quelque chose de neuf dans l’art
du dessin ! »
Mandaté par John Grierson, en 1942, pour former la première équipe
d’animation de l’Office national du film du Canada, McLaren doit recruter les
apprentis cinéastes dans les écoles d’art et leur inculquer les
rudiments de l’animation. Il le fait avec génie, définissant alors
une philosophie selon laquelle le cinéaste d’animation est comme le peintre
dans son atelier, maître de ses outils et de tout le processus de production
de son œuvre. C’est ainsi qu’il favorise des techniques légères
comme le dessin sur pellicule et le papier découpé, tournant le
dos à l’animation industrielle à l’américaine pour plutôt
se frotter aux préoccupations des cinéastes de l’underground
à travers des films comme Synchromy (1971), saluant au passage
l’expressionnisme abstrait, de Jackson Pollock à Barnett Newman, dans
des courts métrages comme Begone Dull Care (1949) et Lines
Vertical (1960).
Remarquable pédagogue, artiste engagé, McLaren part pour la Chine
en 1949 où il participe à un projet d’éducation audiovisuelle
sous l’égide de l’UNESCO. Il a alors 35 ans, sa renommée est déjà
grande, mais il choisit de vivre intensément l’Histoire plutôt
que de se replier sur sa pratique artistique. Il est donc ce même homme
qui, en 1936, se rendit en Espagne en pleine guerre civile pour tourner Defence
of Madrid. Après ce séjour en Chine et en réaction
à la guerre de Corée, McLaren signe Neighbours (1952),
un chef-d’œuvre et une puissante fable antimilitariste qui lui vaut un
oscar.
Mais Norman McLaren se distingue de l’ensemble de la communauté expérimentale
en demeurant constamment préoccupé par le public, en refusant
de faire des films pour des raisons uniquement théoriques. Ainsi, son
cinéma fascine parce qu’il séduit en même temps qu’il mène
une réflexion de pointe et repousse les limites de la technique. On pense
alors à l’explosif Blinkity Blank (1955), à la simplicité
« idéogrammatique » du Merle (1958) ou à l’élégance
de Pas de deux (1967).