Otto Kuchel, lauréate

Endocrinologue

Naissance le 22 juin 1924 à Spišská Stará Ves, en Slovaquie, décès le 2 septembre 2012 à 

Entrevue

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Biographie

Prague, 1967. Deux agents du KGB se présentent au domicile du Dr Otto Kuchel, professeur à l’Université Charles. Le médecin est aussitôt conduit en avion à Moscou, au chevet d’un malade dont il découvre alors l’identité : c’est Youri Andropov, chef suprême du KGB et futur président de l’URSS. Sans se laisser impressionner, le docteur Kuchel examine attentivement son patient et constate une grave maladie rénale. Au cours des mois suivants, le médecin revoit plusieurs fois Andropov et prend soin de sa santé chancelante.

Montréal, 1983. En pleine guerre froide, le monde retient son souffle alors qu’une rencontre au sommet est prévue entre les présidents Reagan et Andropov. Personne, à l’Ouest, ne connaît la vérité sur l’état de santé du chef d’État soviétique, que l’on croit très malade. À l’exception d’Otto Kuchel, devenu chercheur clinicien à l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM). Le médecin contacte les autorités américaines et livre son diagnostic : Andropov, au mieux, n’en a plus que pour neuf mois. Cette information sera cruciale dans les négociations qui marqueront le début du réchauffement des relations Est-Ouest et éloigneront le spectre d’une nouvelle guerre mondiale. Andropov s’éteint en février 1984, exactement neuf mois plus tard.

Pour autant, le Dr Kuchel n’est pas homme à se vanter de son influence, ni de son immense expertise en médecine interne, en néphrologie et en endocrinologie. Ce qui l’intéresse avant tout, c’est de faire progresser les connaissances médicales pour assurer le bien-être de ses patients, quel que soit leur statut social. Auteur de six livres et de plus de 500 articles dans des publications spécialisées, cet homme extrêmement cultivé, à la personnalité empreinte de sagesse, se réjouit surtout que ses connaissances aient pu être reconnues par ses pairs et donner naissance à des traitements efficaces.

Otto Kuchel naît en 1924 à Spišská Stará Ves, un village de Tchécoslovaquie situé près de la frontière polonaise. Adolescent, il est déjà le bras droit de son père, médecin. Forcé d’attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour entreprendre ses études universitaires, il obtient son premier doctorat en médecine à l’Université Charles de Prague, en 1950. Il travaille sous la direction du Pr Joseph Charvat, son mentor, futur directeur de l’Organisation mondiale de la santé, et se spécialise en médecine interne, puis en endocrinologie. Il est nommé professeur dans cette même université en 1961.

En 1968, le docteur Otto Kuchel, son épouse Gabrielle et leurs deux enfants fuient Prague, envahie par l’armée soviétique. La famille traverse le rideau de fer juste avant qu’il ne se referme et se réfugie à Vienne, en Autriche, d’où le professeur cherche un nouveau poste. Le milieu scientifique américain l’attire depuis qu’il a été chercheur invité au Tennessee pendant un an, en 1966. Mais il préfère de loin l’environnement social et culturel de Montréal, où il a déjà noué des contacts avec Jacques Genest, qui vient tout juste de fonder l’IRCM.

La famille, qui a tout abandonné derrière elle, émigre au Canada. À 45 ans, Otto Kuchel est nommé chercheur principal à l’IRCM, puis l’année suivante, professeur titulaire à l’Université de Montréal, membre du service de néphrologie de l’Hôtel-Dieu et professeur associé au Département de médecine expérimentale de l’Université McGill. En 1970, il décroche son diplôme de spécialiste en néphrologie et en médecine interne du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. De 1975 à 1996, il dirige le laboratoire des études du système nerveux autonome de l’IRCM. En 1999, il est nommé professeur émérite de l’Université de Montréal.

À Montréal, le Dr Otto Kuchel devient rapidement un des meilleurs spécialistes au monde de l’hypertension, dont il étudie et découvre plusieurs mécanismes fondamentaux. Plusieurs des nombreuses publications qu’il consacre à l’étude de cette maladie figurent parmi les articles les plus cités par la communauté scientifique dans ce domaine, preuve de leur grande valeur. Il est par exemple le premier à expliquer le rôle de la dopamine dans l’hypertension sensible au sel. Le traitement qu’il propose de l’œdème idiopathique, une maladie qui affecte souvent de jeunes femmes, est aujourd’hui partie des manuels de médecine, tout comme la description du syndrome de Page, qui affecte certaines personnes hypertendues.

S’exprimant couramment en sept langues, le médecin partage son temps entre la recherche, les consultations avec des patients et l’enseignement – il aura dirigé pas moins de 24 étudiants diplômés venant de seize pays pendant ses années à Montréal. Pratiquant une médecine de cœur, il est très apprécié de ses patients qu’il prend le temps d’écouter et de comprendre, même à l’heure où la médecine tend à se dépersonnaliser.

Travaillant sans relâche, le médecin trouve aussi le temps de participer aux recherches de la compagnie Abbott pour la conception de médicaments cardiovasculaires, de participer à des comités des National Institutes of Health des États-Unis, et de conseiller Hydro-Québec sur la santé des personnes vivant à proximité de lignes à haute tension. Il s’implique dans plusieurs organismes comme la Fondation des maladies du cœur du Québec, la Société canadienne d’hypertension artérielle et la Fondation canadienne des maladies du cœur. Il donne aussi des dizaines de conférences partout dans le monde, notamment aux États-Unis, en Chine, au Japon, au Brésil ou en Suisse.

Chaque fois que l’occasion lui en est donnée, le docteur Kuchel fait l’éloge de ses proches qui l’ont appuyé tout au long d’une vie menée tambour battant. Ses trois enfants (le dernier est né peu de temps après l’arrivée de la famille en sol québécois) ont réussi de brillantes études et mènent à leur tour des carrières remarquées : son fils est professeur en gériatrie, l’une de ses filles est avocate et l’autre, docteure en psychologie.

Otto Kuchel a reçu plusieurs distinctions tout au long de sa carrière. Fellow de la Société royale de médecine de Londres en 1992, membre de l’Institut canadien de médecine académique en 1994, le médecin a aussi reçu le titre de Chevalier de l’Ordre national du Québec en 1999 et le Prix de l’œuvre scientifique de l’Association des médecins de langue française du Canada, en 2000. Même après avoir officiellement pris sa retraite en 2001, Otto Kuchel n’a jamais cessé d’entretenir d’étroites relations avec la communauté scientifique, et même avec certains de ses anciens patients. En 2009, à l’âge de 85 ans, cet homme infatigable a encore été invité au congrès mondial de santé à Berlin, pour parler de l’une de ses découvertes qui permet d’aider les astronautes à garder une tension artérielle normale lorsqu’ils se mettent debout à leur retour sur la Terre!

Information complémentaire

Membres du jury :
Pierre Talbot
(président)
Alain Nepveu
Marie Trudel
Sherif Abou Elala
Thérèse Di Paolo

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :
Production : ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale
Réalisation : Alain Drolet
Assistante à la réalisation : Geneviève Allard
Coordinatrice de production : Pascale Rousseau
Caméra et direction photo : Richard Tremblay
Caméra : Alain Drolet
Prise de son : Donald Fortin
Montage : Daniel Labbé, ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale
Montage sonore : Réjean Gagnon, Studio Expression
Programmation DVD : Daniel Labbé, ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale
Compression numérique : Francis Laplante, IXmédia
Musique originale : Christine Boillat
Musiciens : André Bilodeau, Christine Boillat, David Champoux et Daniel Marcoux
Entrevue : Binh An Vu Van
Texte :
  • Valérie Borde