Paul-André Linteau, lauréate

Historien

Naissance le 10 janvier 1946 à Montréal, décès le à 

Entrevue

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Biographie

N’allez pas dire à Paul-André Linteau que l’histoire du Québec est banale ou monocorde. Bousculant les idées reçues, l’historien, formé à l’Université de Montréal, s’est efforcé tout au long de sa carrière de mettre en lumière la complexité et la diversité des trajectoires historiques qui ont forgé la société québécoise. « Plusieurs analystes ont longtemps décrit le Québec comme une Folk Society, une société traditionnelle. Dans les années 1960, des interprétations voulaient que le Québec ne soit composé que d’une immense classe ethnique, les francophones, sans distinction. Ces analyses m’ont toujours parues assez réductrices », précise-t-il.

Paul-André Linteau, qui se définit lui-même comme « historien du contexte », soutient que pour bien comprendre comment le Québec a évolué, il faut éviter de le réduire à sa dimension catholique et francophone. « Ce qui est au cœur de ma démarche, c’est l’idée de complexité. Cela implique qu’on ne peut pas expliquer tous les phénomènes historiques et sociaux qui ont traversé le Québec par un seul facteur, une ligne directrice unique. »

Certes, pour une large part de l’histoire du Québec, et ce, jusqu’à la fin des années 1950, le monde rural et agricole a été une composante essentielle de l’identité québécoise. N’empêche, pour celui dont les travaux se sont articulés autour des deux grands axes de recherche que sont la ville (Montréal en particulier) et le Québec contemporain, on aurait tort d’insister trop fortement sur la tradition et la ruralité pour comprendre l’origine de l’identité québécoise. « Le Québec est né dans les villes. Ce n’est qu’après le développement de Québec et de Montréal qu’il y a eu colonisation agricole. Cela a donné ici une façon d’occuper le territoire qui est bien différente d’autres endroits en Amérique du Nord. »

Une fascination précoce pour l’histoire
Paul-André Linteau voit le jour à Montréal en 1946. Il passe les premières années de son enfance sur la rue Laurier, au cœur du Plateau-Mont-Royal, avant que la famille déménage à Ahuntsic.

Dès le collège classique, le jeune étudiant développe un intérêt pour l’histoire. « Comme beaucoup de jeunes garçons de mon âge, j’étais déjà fasciné par l’histoire. »

À l’automne 1965, en pleine Révolution tranquille, Paul-André Linteau entre au Département d’histoire de l’Université de Montréal. Il a 19 ans. Le Québec de l’époque vit une période de profonds bouleversements sociaux, culturels et politiques. Une nouvelle identité québécoise est en gestation, mais on connaît encore mal notre passé, se remémore l’historien. « On n’enseignait pas beaucoup l’histoire du Québec contemporain, que l’on connaissait très peu à cette époque. Jusqu’aux années 1960, les historiens s’étaient surtout intéressés à la Nouvelle-France et un peu au Canada français d’après la Conquête, jusqu’aux rébellions de 1837 et de 1838. »

Si de grands pans de notre histoire demeuraient jusque-là méconnus, les choses allaient rapidement évoluer. Portés par l’air du temps, de plus en plus de professeurs allaient dès lors placer le Québec contemporain au cœur de leur enseignement.

Paul-André Linteau se souvient d’une période de grande ébullition intellectuelle au cours de laquelle la carrière de nombreux autres jeunes historiens, tels Fernand Harvey, Jacques Rouillard, Normand Séguin et René Hardy, prendra son envol. « Tout était à faire. »

Celui qui rédigera sa thèse de doctorat sur la Ville de Maisonneuve s’intéresse tout particulièrement à l’histoire économique du Québec. « Il y avait vraiment un vide à ce chapitre, c’était un aspect particulièrement mal connu. »

Selon lui, étudier l’histoire économique du Québec, c’était aussi examiner les rapports interethniques. « Parce que dès que l’on parlait de l’économie québécoise, on se demandait pourquoi les anglophones la dominaient. Or les recherches ont montré qu’il y avait eu, de tout temps, des entrepreneurs francophones, mais qu’on ne les avait pas étudiés, car souvent ils travaillaient dans des moyennes entreprises basées en région. Leur contribution au développement économique du Québec n’en fut pas moins importante. »

Une production intellectuelle majeure
La carrière de professeur de Paul-André Linteau à l’Université du Québec à Montréal débute dès sa fondation, en 1969. Plus de 40 ans plus tard, il y enseigne toujours. Au fil des décennies, ce brillant professeur a formé une relève de haut niveau dans le champ des études historiques. La production intellectuelle de Paul-André Linteau est aujourd’hui considérable : une trentaine de livres et plus de 80 articles scientifiques publiés, auxquels s’ajoutent une centaine de communications.

Le professeur Linteau n’a eu de cesse d’approfondir ses analyses sur la ville et les conditions de développement de l’espace urbain, les processus d’aménagement du territoire et les multiples caractéristiques des populations qui l’habitent. Sans oublier son grand intérêt pour la riche et complexe histoire du Québec d’après la Confédération de 1867.

Parmi ses ouvrages les plus connus, notons son remarquable Histoire du Québec contemporain en deux tomes (1979-1986), écrit en collaboration avec René Durocher, Jean-Claude Robert et François Ricard, qui a nécessité plus 15 ans de travail. Cette œuvre colossale est reconnue comme la première à rompre avec une certaine vision monolithique du Québec en tant que Folk Society ou société essentiellement francophone et traditionnelle. Dans ce livre, les auteurs s’affairent à exposer toute la diversité d’une société sur le plan de la population, du territoire, des groupes sociaux, des courants idéologiques et des mouvements politiques.

On doit aussi au professeur Linteau Histoire de Montréal depuis la Confédération (1992), Histoire du Canada (1994), La rue Sainte-Catherine, Au cœur de la vie montréalaise (2010), Maisonneuve ou comment des promoteurs fabriquent une ville, 1883-1918 (1981) et Nouvelle histoire du Québec et du Canada (1985).

Paul-André Linteau a reçu plus d’une dizaine de récompenses soulignant sa contribution exceptionnelle à l’historiographie québécoise contemporaine, dont le prix Sir John A. Macdonald,le Prix de l’Assemblée nationale du Québec, remis par l’Institut d’histoire de l’Amérique française, le prix Lionel-Groulx, le prix André‑Laurendeau et le Prix international d’excellence en études canadiennes.

L’historien de renom, membre élu de la Société royale du Canada depuis 1991, a contribué à la formation d’une solide relève en dirigeant 13 thèses de doctorat et 66 mémoires de maîtrise. Sous sa gouverne, comme directeur de collection chez Boréal, une centaine d’ouvrages historiques ont également été publiés, contribuant ainsi à faire connaître des historiens comme Lucia Ferretti, Robert Gagnon ou Yves Gingras.

La notoriété de Paul-André Linteau n’est plus à faire et dépasse largement les frontières québécoises. Outre les liens étroits qu’il a tissés au fil des ans avec des collègues des provinces canadiennes au moyen d’ouvrages collectifs, il a contribué à jeter des ponts entre le Québec et de nombreux pays sur presque tous les continents. Ainsi, avec le réseau d’études canadiennes, il a mené des projets d’études comparées avec des collègues en Inde, au Japon, en Italie, en France, en Espagne, en Belgique et aux États‑Unis. « J’y suis allé pour parler du Québec. Pour faire connaître son histoire et les dynamiques qui l’habitent. »

Pour ce passionné, qui a amorcé récemment un nouveau cycle de recherche autour de l’histoire de l’immigration et de la diversité ethnoculturelle au Québec, le rôle de chaque historien est d’interroger le passé à partir du présent. « Les historiens posent au passé des questions qui les préoccupent aujourd’hui. Ils cherchent souvent à comprendre la source des phénomènes actuels. En ce sens, il est normal que chaque génération écrive l’histoire à sa manière. »

Information complémentaire

Date de remise du prix :
13 novembre 2012

Membres du jury :
Marcel Pouliot, président
Diane-Gabrielle Tremblay
Paule Halley
John Gallaty
Sara Thibodeau

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :
Production : Sylvain Caron Productions Inc.
Réalisation : Sylvain Caron
Coordinatrice de production : Lynda Malo
Caméra et direction photo : Mathieu Harrisson
Caméra : Hugo Ferland-Dionne
Maquillage : Hélène-Manon Poudrette, Sylvie Charland
Montage : Sylvain Caron
Infographie et montage : Mathieu Harrisson
Mixage sonore : Studio Song
Musique originale : Christine Boillat
Musiciens : André Bilodeau, Christine Boillat, David Champoux et Daniel Marcoux
Entrevues : Christian St-Pierre
Texte :
  • MDEIE