Paul Gérin-Lajoie, lauréate

Naissance le 23 février 1920 à Montréal, décès le 25 juin 2018 à 

Entrevue

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Biographie

Rencontrer Paul Gérin-Lajoie n’est pas banal. À 93 ans, il plante son regard bleu dans le vôtre, la voix persuasive, le verbe précis, la mémoire impeccable. « J’ai toujours aimé la communication », dit-il en esquissant un sourire. Chez lui, l’envie de s’en mêler reste bien palpable. Le lauréat 2013 du prix Georges-Émile-Lapalme est touché par cette reconnaissance qui porte le nom de son collègue de « l’équipe du tonnerre » dans le gouvernement de Jean Lesage. « Lapalme était un homme de forte conviction, doté d’une vision claire du développement du Québec. La culture en était le moteur. » Paul Gérin-Lajoie est le dernier survivant du cabinet Lesage. Être en sa présence, c’est se trouver dans un face-à-face émouvant avec la Révolution tranquille…

Sur la table devant lui, des magazines internationaux, deux ou trois quotidiens… Paul Gérin-Lajoie avouait récemment à un chroniqueur qu’avec trente ans de moins, il replongerait sur la scène politique. Fils d’avocat devenu grand constitutionnaliste et petit-fils de Marie Gérin-Lajoie, sa plus grande inspiratrice qui a tant fait pour les droits des femmes et pour l’éducation, Paul Gérin-Lajoie en impose par sa trajectoire de visionnaire pragmatique et d’amoureux inconditionnel de la langue française.

Aîné d’une famille de six enfants, il grandit à Outremont et y habite encore avec son épouse de toujours, Andrée Papineau. Il étudie au Collège Brébeuf où il remporte la bourse Rhodes à l’âge de 18 ans, mais il doit reporter son voyage d’études en Angleterre à cause de la guerre qui commence. Il obtiendra son doctorat à Oxford, en 1948. Entre-temps, il fait son droit à l’Université de Montréal, passe son barreau à 23 ans et se passionne pour le droit constitutionnel.

Ce qui était un obscur objet de recherche pour l’époque allait lui permettre d’élaborer devant un auditoire consulaire, vingt ans plus tard, une doctrine juridique qui allait faire école. La doctrine Gérin-Lajoie, véritable fondement de la politique internationale du Québec, était née. On peut la résumer
ainsi : elle traite du prolongement international des activités liées aux champs de compétence internes du Québec, soit la culture, la santé, l’éducation. « J’ai toujours eu les horizons larges, dit-il. Toute ma vie, l’objet central de mes réflexions et de mon action a été le rayonnement du Québec dans le monde. »

Pour rayonner, il fallait d’abord offrir la chance à tous les Québécois, garçons et filles, de s’épanouir à travers des études solides et gratuites jusqu’à 16 ans. Sans les grandes réformes du système d’éducation nationale qu’il a pilotées, d’abord comme ministre de la Jeunesse, responsable de l’Instruction publique (1960-1964) et ensuite comme ministre de l’Éducation (1964-1966), le Québec n’aurait pas pu faire entendre sa voix hors de ses frontières.

Paul Gérin-Lajoie fut responsable de la formation de la Commission royale d’enquête Parent sur l’enseignement dans la province de Québec (dont on célèbre cette année les cinquante ans du fameux rapport), du projet de loi 60, de la création du premier ministère de l’Éducation au Québec et de l’Opération 55 qui entraîna la création d’un premier réseau d’écoles secondaires régionales gratuites à travers tout le Québec. Il a tenu à sillonner le territoire pour aller gagner, lui-même, l’adhésion de ses concitoyens aux immenses bienfaits d’une telle réforme pour l’avenir de leurs enfants. Tableau noir à l’appui… « J’ai toujours eu le plus grand respect pour les enseignants et les directions d’école. Ce n’est pas à notre honneur, comme société, de n’avoir collectivement que si peu d’égards, de reconnaissance et de considération pour ces hommes et ces femmes qui font la différence dans tant de vies. »

De plus, fidèle à cette ouverture sur le monde, Paul Gérin-Lajoie a stimulé la participation active des enseignants québécois aux programmes canadiens de développement international. Dès 1961, il est l’un des pionniers du concept de francophonie. Cet engagement auprès des francophones de tous les coins du monde marque profondément son œuvre. Parfait bilingue, il préside la Conférence du Commonwealth sur l’éducation en 1964 et également celle de la mission de l’OCDE sur le développement de la recherche et de l’éducation aux États-Unis en 1969.

Sa feuille de route est si dense qu’on ne peut l’évoquer de manière exhaustive. Mais rappelons qu’après son retrait de la politique, en 1969, Paul Gérin-Lajoie dirige notamment l’Agence canadienne de développement international (ACDI) de 1970-1977. Il travaille ferme à accroître le rayon d’action de l’ACDI notamment vers l’Afrique francophone, ainsi qu’à diversifier ses engagements financiers (qui ont triplé sous sa gouverne) en fonction des retombées en matière de développement social. On parle de milliers de projets dans plus de soixante-quinze pays.

Par la suite, Paul Gérin-Lajoie s’engage en consultation internationale durant quelques années avec le souci constant de trouver des solutions novatrices aux problèmes de développement. Cela donne lieu à la création d’organisations non gouvernementales francophones qui ont notamment tissé des liens durables entre le Québec, l’Afrique francophone et Haïti. Cette solidarité n’a cessé de grandir, contribuant à bâtir cette place particulière que le Québec occupe aujourd’hui au sein de la francophonie mondiale.

En 1977, il met sur pied la Fondation Paul-Gérin-Lajoie qu’il préside, un organisme de coopération internationale, voué au développement de l’éducation de base, en étroite collaboration avec les collectivités locales. En trente ans, ce sont des millions d’enfants qui auront accès à l’éducation dans des pays parmi les plus démunis de la planète. Ces dernières années, sa fondation touchait annuellement 400 000 enfants et elle a contribué à mettre en œuvre des réformes de l’éducation au Mali, au Sénégal et, plus récemment, en Haïti. En 1986, Paul Gérin-Lajoie choisit de se consacrer entièrement à la direction de sa fondation. Aujourd’hui, son fils François qui a longtemps travaillé à ses côtés, en a repris les rennes, même si son père continue d’en être l’inspiration.

L’éducation s’ancre dans une culture et dans une langue. L’amélioration de la maîtrise du français chez les jeunes a toujours été une visée
de Paul Gérin-Lajoie de même que le souci de les éveiller aux réalités internationales, particulièrement à celles de la francophonie. Comment atteindre ces deux buts de manière ludique et éducative?

« Un jour, j’ai eu l’idée d’une dictée qui ne serait pas une affaires de pièges. Plutôt une histoire de solidarité, de respect de l’environnement et de compréhension du monde dans lequel nous vivions. » Qui ne connaît pas la fameuse Dictée P.G.L.? Activité phare de la fondation, elle mobilise depuis vingt-trois ans des centaines de milliers d’enfants au Québec, au Canada, aux États-Unis et en Afrique francophone.

Paul Gérin-Lajoie reste habité par la conviction inébranlable que le développement du Québec passe encore et toujours par une éducation de qualité, largement accessible. « Comme en 1964, nous restons malheureusement dans l’impossibilité de fournir la gratuité scolaire pour les études supérieures. J’étais heureux, et je le réclamais, que le système des prêts et bourses ait été encore bonifié dernièrement. C’est la voie à suivre. Mais honnêtement, le décrochage scolaire au Québec m’affole. Le système ne réussit pas à s’adapter aux changements de comportement des jeunes. Il faut que l’école les captive davantage, qu’elle favorise l’expression de leurs désirs profonds. Malheureusement notre système ne répond pas aux besoins des jeunes d’aujourd’hui. Il faut relever nos manches et innover. » Au soir de sa vie, Paul Gérin-Lajoie inspire encore et toujours. C’est sa remarquable trajectoire, profondément dédiée au rayonnement du Québec et de la langue française, que le gouvernement du Québec veut reconnaître en lui décernant le prix Georges-Émile-Lapalme.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
12 novembre 2013

Membres du jury :
Jacques Duval
Marie-Pier Élie
Louis Jolicoeur, président
Monique Lachance

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :
Production : Sylvain Caron Productions Inc.
Réalisation : Sylvain Caron
Coordinateur de production : Frédéric Blais-Bélanger
Caméra et direction photo : Frédéric Blais-Bélanger
Prise de son : Serge Bouvier, Jean-François Paradis
Maquillage : Camille Rouleau
Montage : Frédéric Blais-Bélanger, Sylvain Caron, Ian Morin
Mixage sonore : Studio SonG
Musique originale : Luc Gauthier
Entrevues : Suzanne Laberge
Texte :
  • Ariane Émond