Paul Hébert, lauréate

Naissance le 28 mai 1924 à Thetford Mines, décès le 20 avril 2017 à 

Entrevue

Lire la vidéo sur Entrevue

Biographie

Il était un petit navire…

C’est un petit, tout petit bateau qui voguait, tiré par un fil, dans un décor d’opérette qui déclencha chez le jeune Paul Hébert la passion pour le théâtre. Déçu par ce trucage trop simpliste, l’étudiant n’eut de cesse de faire que le jeu soit vrai, qu’il n’y ait pas de tricherie pour que le courant passe entre la scène et la salle. D’une déception momentanée surgit un constant souci de vérité. Ce jour-là, une vocation était née. Paul consacrera toute sa vie à son art en tant que metteur en scène, comédien, fondateur de théâtres, directeur de compagnies et pédagogue.

Orphelin à 14 ans, Paul Hébert quitte son Thetford Mines natal. Attiré par les arts, il s’oriente vers le théâtre. C’est au Collège de Lévis qu’il monte sur les planches pour la première fois, comme comédien et comme assistant metteur en scène, dans La bergère au pays des loups d’Henri Ghéon. Durant cette période, les années 1940, Pierre Boucher, directeur de la compagnie Les Comédiens de Québec, assiste au Collège à une représentation dans laquelle joue Paul Hébert. Il perçoit immédiatement tout le potentiel de ce comédien en devenir et lui propose de se joindre à sa troupe. Paul quitte alors Lévis pour terminer son cours classique à l’Université Laval, aux facultés des lettres et de philosophie. Le jeu de l’amour et du hasard de Marivaux sera la première production à laquelle prendra part Paul Hébert avec Les Comédiens de Québec, en tant que metteur en scène et acteur, sous les traits d’Arlequin.

La rencontre avec Pierre Boucher sera déterminante. Pour Paul Hébert, Pierre sera le frère qu’il n’aura jamais eu. Mais il sera aussi un mentor exigeant qui saura développer ses talents de comédien, de décorateur et de costumier. Paul Hébert apprend ainsi tous les métiers du théâtre. Tant et si bien que Pierre Boucher lui confie la direction de la compagnie au cours des deux ans qu’il passe en France. À son retour, Pierre convainc Paul d’entreprendre, lui aussi, une formation en Europe. Le maître recommande cependant à l’élève de se rendre en Angleterre plutôt qu’en France. Il a compris qu’à Paris on enseigne le théâtre mais qu’à Londres, on soumet les acteurs à un véritable entraînement.

S’embarquer pour l’Europe et souhaiter s’inscrire à une école aussi prestigieuse que celle du Old Vic Theatre n’est pas chose facile. Mais Paul Hébert trouve là un défi à la hauteur de ses ambitions. Il apprend que le British Council offre des bourses d’études en art. Il pose sa candidature et se voit invité à New York pour une audition devant Margaret Webster. À son retour, un télégramme lui apprend qu’il a obtenu la bourse, ce qui fait de lui le premier étudiant canadien de cette école considérée, à l’époque, comme l’une des meilleures d’Europe. En 1949, jeune marié, Paul Hébert met le cap sur l’Europe avec sa nouvelle épouse.

Paul Hébert trouvera de nouveaux maîtres en Michel Saint-Denis, un Français ami du général de Gaulle, et Glen Byam Shaw, un acteur du calibre de John Guilgud et Laurence Olivier. Ses deux années de formation sous la houlette de ces deux codirecteurs du Old Vic font de lui un homme nouveau, un véritable homme de théâtre.

En 1951, boursier de la Canada Foundation, Paul Hébert parcourt l’Europe. Il rencontre les principaux artisans du renouveau théâtral, alors en pleine éclosion sur tout le continent. Son séjour londonien, qui le plonge dans le répertoire shakespearien, et la fréquentation d’artistes internationaux donnent à Paul une vision claire de son art : le théâtre n’est pas seulement une œuvre littéraire mais, avant tout, un engagement social.

En choisissant d’aller se former à l’étranger, Paul Hébert est à l’avant-garde de l’ouverture aux autres cultures qui est si présente dans l’air du temps aujourd’hui. Visionnaire, il s’offre ainsi comme modèle à l’ère de la mondialisation et de la diversité culturelle. Quand il sera reçu Grand Québécois, en 1997, il déclarera : « La société québécoise, avec son métissage culturel, est à un carrefour extraordinaire. Parce que le théâtre est un phénomène social, il peut être le miroir qui reflète le mieux ce carrefour. »

Armé de nouveaux principes et d’une conscience aiguisée, Paul rentre au pays en 1952. Son engagement à l’égard de sa profession se traduit concrètement par la fondation de nouveaux théâtres. Ils seront au nombre de cinq : le Théâtre Anjou en 1954, le Chantecler avec son ami Albert Millaire en 1955 – ce sera le premier théâtre d’été –, l’Esterel en 1961, L’Atelier en 1964, voué à l’entraînement des acteurs comme il l’a lui-même expérimenté à Londres, et enfin le Théâtre Paul-Hébert à l’île d’Orléans en 1982. Ce bâtiment est déplacé, en 1998, et installé en haut des chutes Montmorency pour devenir le Théâtre de la Dame blanche. Le Théâtre du Trident, une importante figure de proue du théâtre à Québec créé en 1970, a aussi comme cofondateur Paul Hébert, qui en assure la direction pendant six ans, période durant laquelle la fréquentation de cette salle décuplera.

En tant que metteur en scène, Paul Hébert voit large et loin. Il sait choisir des pièces du répertoire international, classique et contemporain, tout en faisant la part belle aux œuvres d’ici. Le dénominateur commun demeure constant : que les œuvres sélectionnées portent un message social important. Ses talents de metteur en scène sont remarqués dès 1957. Il se voit décerner le prix de la meilleure mise en scène pour Six personnages en quête d’auteur. Il reçoit les mêmes honneurs pour Charbonneau et le Chef et La mort d’un commis voyageur, en 1975. La mégère apprivoisée, Pygmalion, La chatte sur un toit brûlant, et Québec, printemps 1918 (dont il est le coauteur avec Jean Provencher et Gilles Lachance) sont autant de brillantes productions signées Paul Hébert. Certaines deviendront ses pièces fétiches, qu’il revisitera plusieurs fois avec la ferveur d’un apôtre du work in progress.

Le travail de Paul Hébert ne s’effectue pas qu’en coulisses. Son rôle de comédien le place depuis plus de 60 ans sous les projecteurs de la scène, de la télévision et du cinéma. Il prend part aux débuts de l’aventure télévisuelle, dès 1953, dans le téléroman 14, rue des Galais, et sera présent au petit écran jusqu’en 2005, dans la série Nos étés. Il fait partie de la distribution de nombreux téléthéâtres. Dans la longue liste de ses prestations cinématographiques, on note sa participation à des films comme La neuvaine, La vie heureuse de Léopold Z, Les fous de Bassan et Le confessionnal. À la scène, il campe un George inoubliable dans Qui a peur de Virginia Woolf? et un Don Quichotte d’une envergure peu commune dans l’adaptation de Jean-Pierre Ronfard. Son interprétation de Prospero dans La tempête de Shakespeare, mise en scène par Robert Lepage, lui vaut le Prix du public lors de la soirée des Prix d’excellence des arts et de la culture.

Grand pédagogue, Paul Hébert enseigne à l’École nationale de théâtre en 1965, puis dirige les conservatoires d’art dramatique de Montréal et de Québec, en 1969 et 1970 respectivement. Il est également vice-président du Centre national des arts, à Ottawa, en 1969. Mais ce n’est pas seulement dans une salle de cours que Paul Hébert exerce son devoir de transmission et de partage des connaissances, des valeurs. Il est de tous les combats, monte sur toutes les tribunes pour s’ériger contre le prêt-à-penser d’une société de marché où le théâtre n’aurait pas sa juste place. Il riposte aux difficultés en devenant lui-même entrepreneur culturel : il fonde ses théâtres.

Pour Paul Hébert, l’honneur de recevoir le prix Denise-Pelletier se double d’une nostalgique émotion. Il a bien connu Denise Pelletier, à l’époque du Théâtre Anjou. « Je conserve le souvenir d’une grande comédienne dont les qualités de cœur n’avaient d’égales que l’excellence du jeu », se rappelle-t-il. Cette récompense s’ajoute à une longue liste de reconnaissances professionnelles telles que le Prix du Gouverneur général, les médailles de l’Ordre national du Québec et de l’Ordre du Canada, deux doctorats honorifiques et le Prix Hommage de l’Académie québécoise du théâtre.

Si ce sont ses idées sur la nécessaire fonction sociale et culturelle du théâtre qui ont guidé la carrière au long cours de Paul Hébert, ce sont ses actions d’éclat qui ont fait de lui un être d’exception, un passionné inspiré et un artiste reconnu pour son intégrité, son audace et son humanité. Personnage de théâtre, c’est en tant qu’acteur social qu’il a contribué à la mise au monde du théâtre professionnel d’aujourd’hui.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
6 novembre 2007

Membres du jury :
Marie-Thérèse Fortin, présidente
Claire Guimond
Solange Morrissette

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :
Production : Ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale du Québec
Réalisation : Alain Drolet
Caméra et direction photo : Ronald Landry
Caméra : Guylaine Pariseau
Prise de son : Simon Careau
Montage : Andréane Cyr, Digipoint
Montage sonore : Stéphane Carmichael, Studio Expression
Programmation DVD : Jean Michaud, Digipoint
Compression numérique : Hugo Comtois, IXmédia
Musique originale : Alexis Le May
Musiciens : Katia Durette, Yana Ouellet, Stéphane Fontaine, Annie Morier, Caroline
Béchard, Suzanne Villeneuve, Benoît Cormier, Jean Robitaille, André Villeneuve, Daniel Tardif,
Alexis Le May, Éric Pfalzgraf
Narratrice : Sophie Magnan
Entrevue : Richard Joubert

Retour à la capsule

Texte :
  • Marie-Josée Poisson