Paul Lasko est arrivé à Montréal en 1990, à l’aube de ses trente ans, comme professeur adjoint au Département de biologie de l’Université McGill. Son cœur battait pour les sciences depuis qu’il était gamin. « Quel bonheur d’avoir eu un professeur qui m’a fait découvrir la biologie au secondaire. Plus jeune, j’étais fasciné par l’exploration de l’espace et les mathématiques », dit le scientifique. Il connaissait déjà bien Montréal et il avait skié et campé à plusieurs reprises au Québec. « J’étais alors un des rares biologistes du développement et j’ai tout de suite compris qu’à McGill, le Département de biologie souhaitait vivement développer ce créneau qui était le mien. Cette perspective m’a enthousiasmé. »
Formé au Harvard College en sciences biochimiques de 1977 à 1980, il a obtenu son doctorat en biologie du Massachusetts Institute of Technology (MIT), où il a étudié de 1980 à 1986. Il a par la suite effectué un stage postdoctoral au Département de génétique de l’Université de Cambridge de 1986 à 1990, avant de choisir McGill comme lieu de travail.
La réputation du Dr Lasko dépasse aujourd’hui largement les frontières du Québec et fait honneur à l’établissement d’enseignement québécois qui l’a accueilli à bras ouverts. Ses contributions ont des répercussions sur le rayonnement du Québec et du Canada en ce qui a trait à l’avancement des connaissances en biologie du développement et constituent un apport exceptionnel à la formation d’une relève de grande qualité. De plus, son engagement sur le plan des sciences de la santé fait de lui un chef de file international. Il est souvent invité à prononcer des conférences en Chine, au Japon, en Géorgie, en Irlande ou en Belgique, dans la plupart des cas pour renforcer mousser la collaboration entre les chercheurs et favoriser des partenariats entre les organismes de financement.
Derrière le chercheur, une carrière consacrée à l’administration et à la promotion de la recherche
Paul Lasko a dirigé le Département de biologie de l’Université McGill de 2000 à 2011, période pendant laquelle il fut en mesure de mettre en œuvre et de maintenir un programme de recherche d’envergure. À la fin de son mandat, le département s’est classé deuxième au Canada et dix-huitième au monde grâce à sa réputation, à l’employabilité de ses étudiants et à ses citations parues dans diverses publications. Non seulement ce résultat est exemplaire, mais il souligne également, et surtout, le travail exceptionnel du directeur au sein de l’établissement de renommée internationale.
Le Dr Lasko a aussi créé et dirigé le Developmental Biology Research Initiative (DBRI), un regroupement de 30 laboratoires spécialisés dans la recherche axée sur des organismes modèles visant à résoudre des problèmes fondamentaux de la biologie cellulaire et du développement. En 2002, un montant de 68 millions de dollars a été alloué au regroupement par la Fondation canadienne pour l’innovation. À titre de directeur du DBRI, le Dr Lasko a joué un rôle majeur dans l’attribution de cette somme, qui a permis de construire en partie et d’équiper deux nouveaux pavillons de recherche sur le campus de McGill : le pavillon Bellini des sciences de la vie et le Centre de recherche sur le cancer Rosalind & Morris Goodman.
En 2010, le Dr Lasko acceptait un mandat de cinq ans à titre de directeur scientifique à l’Institut de génétique des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Les IRSC sont les principaux organismes de financement de la recherche en santé au niveau fédéral. La mission de l’Institut de génétique est de soutenir la recherche sur les génomes humains et les organismes modèles utilisés en génétique. Parmi ses réalisations au cours de ce mandat, on note sa participation au lancement d’un cadre règlementaire pour les médicaments orphelins au Canada, y compris Orphanet, une base de données exhaustive comprenant de l’information sur les maladies rares. Il a joué un rôle clé dans la mise en place de l’initiative phare Médecine personnalisée des IRSC, encouragé le développement de programmes de recherche sur les maladies génétiques rares et participé à la création d’un consortium pancanadien (FORGE Canada) visant à déterminer les causes génétiques de plus de 100 maladies.
Le Dr Lasko est coauteur de plus de 100 publications scientifiques. Il siège également aux comités de rédaction de trois publications scientifiques. Il doit fréquemment analyser des manuscrits soumis aux revues internationales, telles que Science et Nature. Alors, pourquoi conserver une tâche d’enseignement – et un laboratoire de recherche – encore aujourd’hui, alors qu’il est sollicité de toutes parts? « La raison principale, c’est que j’aime ça!, dit-il. Je suis devenu professeur parce que j’adore l’enseignement et la recherche. Ces deux aspects de mon métier me propulsent toujours. »
Paul Lasko est un administrateur universitaire chevronné et un important promoteur de la recherche sur les plans national et international. Il a d’ailleurs joué un rôle capital de premier plan dans la création du nouveau Complexe des sciences de la vie de l’Université McGill. « Je pense qu’il est utile pour un administrateur de rester en contact avec les étudiants et de voir les problèmes qu’ils rencontrent au jour le jour, ainsi que ceux de leurs enseignants. Cela permet de rester bien centré sur le rôle principal de l’université, celui d’éduquer les gens. »
Maintenant qu’il dirige l’Institut de génétique, il est très actif au chapitre du financement de la recherche sur les maladies génétiques orphelines (ou rares). En avril 2013, le Dr Lasko a été élu, pour un mandat de trois ans, à la présidence du comité de direction du Consortium international de la recherche sur les maladies rares (IRDiRC), qui regroupe 27 organisations membres provenant de 12 pays et de l’Union européenne. Il s’agit d’un effort mondial visant à coordonner et à renforcer la recherche dans ce domaine. Le but visé est d’établir, d’ici 2020, 200 nouveaux traitements contre ces maladies ainsi que des tests diagnostiques.
Étudier la « mouche à fruits » pour améliorer la santé humaine
Les travaux du Dr Lasko ont permis des avancées importantes pour notre compréhension des mécanismes de régulation génétique, notamment en ce qui a trait au développement de l’embryon. Ses grandes réalisations touchent notamment à l’étude des interactions protéines-ARN et à la génomique fonctionnelle. Son objet de recherche? La drosophile, communément appelée « mouche à fruits ». « Elle m’émerveille encore et je la trouve toujours aussi belle sous mon microscope. Mais je sais que, pour la majorité des gens, elle représente un parasite gênant dans la cuisine! », rigole-t-il. Il a été un pionnier dans l’annotation du génome de la drosophile, dont le séquençage a été achevé en 2000. La portée des découvertes du Dr Lasko dépasse largement l’étude de la drosophile, puisque celles-ci peuvent s’appliquer à plusieurs pathologies humaines, y compris le cancer, l’autisme, l’infertilité et la dysplasie rénale kystique.
Avec le recul, de quoi le lauréat 2014 du prix Armand-Frappier est-il le plus fier? La réponse ne se fait pas attendre : que la quasi-totalité des 25 jeunes professeurs embauchés au Département de biologie de McGill quand il en était directeur y soient encore. « Ils sont excellents et ils ont beaucoup de succès dans leurs programmes de recherche respectifs. J’aime l’esprit qui règne au département, la collaboration, le partage des données et du matériel de laboratoire. Cela a créé une communauté intellectuelle et sociale très stimulante. Je suis heureux qu’ils aient fait de Montréal et du Québec leur maison, en un sens. Je crois que leur contribution professionnelle envers la société québécoise est importante et, oui, je suis fier d’avoir contribué à catalyser cela. »