Dès son plus jeune âge, Phil Gold se démarquait par son esprit vif et ses remarques incisives. Élève de 5e année à l’école Bancroft de Montréal, celui qui sera plus tard un brillant scientifique avait le sentiment qu’il apprenait la même chose que l’année précédente. Il interpelle alors son directeur à ce sujet et lui demande s’il est obligé d’aller à l’école.
Magnanime, son directeur lui expliquera que si fréquenter l’école est une obligation, se rendre en classe n’en est pas forcément une, et qu’il peut passer son temps à la bibliothèque si cela lui convient mieux. Dès lors, le jeune garçon passera de nombreuses heures à lire sur une grande variété de sujets, parmi lesquels les matières scientifiques occuperont une place de choix.
Cette anecdote est particulièrement révélatrice de la vivacité de caractère et de la curiosité qui animent encore aujourd’hui le professeur Gold. Ainsi, celui qui fêtera bientôt ses 78 ans est plus que jamais actif dans son domaine et prompt à raconter une histoire.
Ce natif de Montréal, anglophone de surcroît, qui a grandi sur le boulevard Saint-Laurent et a appris le français dans la rue, est resté fidèle à sa ville d’origine pendant la plus grande partie de sa carrière. Il a d’abord fait l’ensemble de ses études supérieures à l’Université McGill, de laquelle il a obtenu son doctorat. C’est d’ailleurs durant ses études doctorales que M. Gold, qui allait devenir l’éminent spécialiste en immunologie, fera une découverte déterminante pour la recherche sur le cancer.
C’est en 1965 que lui et son directeur de thèse, le docteur Samuel O. Freedman (lauréat du prix Armand-Frappier en 1998), font la découverte des propriétés de l’antigène carcinoembryonnaire (ACE) comme marqueur du cancer. Celle-ci s’appuie sur l’hypothèse que des antigènes spécifiques sont présents dans les tumeurs humaines et permettent donc de les identifier à un stade précoce de leur transformation. Aujourd’hui encore, la recherche de la présence de cet antigène dans le sang reste le test le plus fréquemment utilisé en oncologie pour détecter des cancers en stade précoce. On retrouve en effet l’ACE chez 70 % des personnes atteintes de cancer.
À la suite de cette découverte, près de 2 000 articles scientifiques ont été publiés au sujet de l’ACE. Elle est considérée comme le prototype des recherches actuelles de marqueurs en recherche médicale. C’est grâce aux travaux du docteur Gold que les chercheurs actuels tentent de détecter les marqueurs précoces des maladies, particulièrement le cancer, pour les éradiquer avant qu’elles ne deviennent incurables. À l’heure actuelle, PubMed recense plus d’un demi-million d’articles sur les biomarqueurs.
Plus encore, tous s’accordent pour attribuer aux travaux du docteur Gold le mérite d’avoir donné naissance au domaine de recherche appelé la biologie oncodéveloppementale, puisque ses travaux ont même démontré que l’ACE se retrouvait également dans les tissus des embryons et des fœtus.
Cet éternel enthousiaste l’affirme, il a apprécié tout ce qu’il a entrepris et réalisé. Lorsqu’on lui demande ce qu’il changerait de son passé s’il en avait la possibilité, la réponse est sans appel : « Rien! »
Ainsi, pour Phil Gold, trois facteurs déterminent votre vie : « les gènes, l’environnement et la chance ». Et pour lui, la chance n’est pas biologique, elle est faite de l’ensemble des gens que vous rencontrez tout au long de votre vie. Cet ensemble de rencontres déterminantes est ce qui constitue votre " fortunome ", un terme qu’il a inventé afin de décrire cette idée. Dans son " fortunome " personnel, le professeur Gold insiste sur la place primordiale qu’occupe sa famille, notamment son épouse avec laquelle il vient de célébrer leurs 53 ans de mariage.
Pour le docteur Gold, le rôle d’un scientifique dans la société est multiple et ne se limite pas à faire de la recherche fondamentale, clinique ou appliquée. Le chercheur doit aussi élever sa voix afin de sensibiliser non seulement la population, mais aussi les gouvernements en matière de santé publique et de soins aux personnes. À cet effet, le manque récurrent de lits pour les patients souffrant de problèmes chroniques, comme les personnes âgées, est un sujet qui lui tient tout particulièrement à cœur.
Celui qui est décrit comme un pionnier en recherche, un enseignant investi auprès de ses étudiants et un médecin chaleureux et humain partage encore aujourd’hui son temps entre ces trois aspects de sa carrière à l’Université McGill et à l’Hôpital général de Montréal.
Ses travaux ont contribué, en 1974, à la création du Centre de recherche sur le cancer de McGill, aujourd’hui appelé le Centre Rosalind et Morris Goodman. Ce centre de recherche de pointe sur le cancer, qui centralise le travail de l’Université McGill et des hôpitaux affiliés, est l’un des principaux instituts de recherche en oncologie sur le plan national, et ses contributions sont reconnues sur la scène internationale. En plus d’avoir participé à de nombreux colloques et conférences, le docteur Gold a également été membre du comité éditorial de revues médicales. Il a publié un grand nombre de travaux et d’articles scientifiques depuis les années 1960. Sa bibliographie compte plus de 120 ouvrages.
L’apport du docteur Gold à la recherche médicale est reconnu mondialement, et ses travaux ont aidé le Canada à rallier les pays qui comptent parmi leurs citoyens des géants de la médecine. De nombreux prix et distinctions ont été attribués au docteur Gold afin de souligner l’excellence de son travail. Parmi ceux-ci, il a reçu le Prix international de la Fondation Gairdner (reçu conjointement avec le docteur Freedman), le prix Johann-Georg-Zimmermann pour la recherche sur le cancer et le Prix de la Société canadienne d’immunologie en reconnaissance de son apport à la discipline. L’Université McGill a également reconnu le docteur Gold en lui décernant en 2011 le Medicine Alumni Global Lifetime Achievement Award et, en 2012, le Gerald Bronfman Center Lifetime Achievement Award.
Le docteur Gold est Fellow du Conseil médical de recherche du Canada, du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, de la Société royale du Canada et de l’American College of Physicians. Il est également compagnon de l’Ordre du Canada, officier de l’Ordre national du Québec et membre de l’Académie des Grands Montréalais. Le professeur Gold a de plus été intronisé au Temple de la renommée médicale canadienne en 2010.