René Provost est une figure incontournable du droit international, reconnu pour ses travaux novateurs sur la protection des droits de la personne en temps de guerre. Professeur à la Faculté de droit de l’Université McGill et titulaire de la Chaire James McGill sur la justice au-delà de l’État, il a redéfini la compréhension des normes juridiques dans les conflits armés. Membre élu de la Société royale du Canada et avocat émérite du Barreau du Québec, il a influencé considérablement par ses recherches la jurisprudence internationale et les pratiques des organisations non gouvernementales.
« Il m’est arrivé d’avoir des doutes quant à l’utilité de consacrer tant d’années à tenter de changer, par l’entremise du droit, la réalité apparemment irrépressible de la guerre dans la vie humaine, de penser que j’aurais mieux fait de travailler sur des questions juridiques plus immédiates ou encore de me joindre à une organisation humanitaire qui agit sur le terrain. Recevoir le prix Léon-Gérin, c’est la validation qu’une recherche peut contribuer à combattre l’arbitraire de la violence de la guerre », confie-t-il avec humilité.
Le parcours de René Provost est jalonné de contributions qui ont transformé le droit international. Après avoir obtenu un doctorat de l’Université d’Oxford, il a été le premier juriste à analyser systématiquement l’interaction entre le droit international humanitaire et le droit international relatif aux droits de la personne en période de guerre. Son ouvrage phare, International Human Rights and Humanitarian Law (2002), est devenu une référence incontournable : plus de 600 livres et articles s’y réfèrent, et il a directement influencé la jurisprudence du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.
Faisant preuve d’une audace intellectuelle remarquable, il a ensuite exploré l’interaction entre les normes culturelles locales et le droit pénal international. Ses recherches ont culminé avec la publication de Rebel Courts: The Administration of Justice by Armed Insurgents (2021). Cet ouvrage, qui a reçu le prestigieux Certificate of Merit de l’American Society of International Law, est la première étude approfondie des systèmes judiciaires mis en place par des groupes armés non étatiques. Ses travaux soutiennent activement des ONG, comme l’Appel de Genève, dans leurs efforts pour encourager ces groupes à respecter le droit international.
Ce dont il se dit le plus fier, c’est d’avoir « mené des recherches qui vont au-delà de l’évidente horreur de la guerre pour mettre à jour des dynamiques de violence et de résilience sur lesquelles peuvent agir les normes du droit international. Rien de plus facile que de tomber dans le cynisme et le fatalisme face à la guerre; à défaut de découvrir un moyen de l’éradiquer, il faut continuer à œuvrer pour changer par le droit les pratiques et les discours pour amenuiser progressivement l’injustice de la guerre. » René Provost poursuit son engagement pour une justice plus inclusive. Ses recherches actuelles, menées en collaboration avec des partenaires autochtones, visent à établir les bases constitutionnelles d’une administration de la justice par des tribunaux autochtones appliquant les traditions juridiques autochtones.
Fondateur du Centre sur les droits de la personne et le pluralisme juridique de McGill, il a supervisé plus de 80 étudiantes et étudiants à la maîtrise et au doctorat, créé un programme de stages internationaux en droits de la personne conférant une expérience de terrain auprès d’ONG et de tribunaux dans toutes les régions du monde, et fondé la Clinique de justice internationale de McGill, qui permet à des étudiantes et étudiants de contribuer concrètement aux travaux de tribunaux internationaux. Par ailleurs, son engagement pour soutenir les travaux de chercheuses et chercheurs francophones en droit international est tout aussi notable. L’Annuaire canadien de droit international est devenu sous sa direction la publication en français la plus influente de son domaine.
« J’ai fait mes premiers pas dans le droit des conflits armés en travaillant comme avocat bénévole pour Human Rights Watch au début des années 1990, sur un projet autour de la famine comme arme de guerre. Trente-cinq ans plus tard, la question reste tristement autant d’actualité. C’est un exemple parmi tant d’autres dont on pourrait déduire que tout reste à faire, que l’effort est vain. Ma conviction, au contraire, est que les règles inscrites dans les Conventions de Genève et même les idéaux de la Déclaration universelle des droits de l’homme ont un impact sur certains acteurs dans certains contextes. Cela se traduit par des choix qui font la différence entre la vie et la mort pour des milliers d’individus. »
En formant une nouvelle génération de juristes critiques et engagés, et en continuant à explorer des terrains juridiques complexes, René Provost laisse un héritage durable, marqué par la rigueur, l’innovation et un profond sens de la responsabilité sociale.