Richard E. Tremblay, lauréate

Biographie

En 2003, l’édition canadienne du magazine Time classait Richard E. Tremblay, professeur émérite du Département de psychologie et de pédiatrie de l’Université de Montréal, parmi les cinq chercheurs canadiens en médecine les plus influents dans le monde. En 2014, la prestigieuse revue Nature consacrait trois pages à une rétrospective de sa carrière et de ses travaux de recherche. Tous ses pairs s’accordent pour dire qu’il est l’un des chercheurs canadiens les plus renommés en sciences humaines et sociales. Sa province d’adoption – Richard E. Tremblay est né à Barrie, en Ontario – lui a notamment décerné le titre d’officier de l’Ordre national du Québec et le Prix du Québec Léon-Gérin. Selon André Lebon, président de la Commission sur l’éducation à la petite enfance, le professeur Tremblay est encore plus influent hors Québec. En effet, il a notamment reçu le Prix de Stockholm 2017, l’équivalent du Nobel en criminologie, des mains de la reine de Suède, ainsi que le prix René-Joseph Laufer 2008, en France, pour son livre Prévenir la violence dès la petite enfance. Le chercheur a également été nommé en 2008 grand officier de l’Ordre Gabriela Mistral par la présidente du Chili pour sa contribution à la diffusion des connaissances sur la petite enfance.

Rien ne destinait pourtant Richard E. Tremblay à devenir un spécialiste dans la prévention à la petite enfance. « Jeune, ma vie tournait autour du sport, relate-t-il. Mon père était un joueur de football professionnel et moi, je gardais les buts au hockey. » À l’Université d’Ottawa, le jeune homme s’inscrit donc au baccalauréat en éducation physique. Diplôme en main, il devient responsable de la création d’un service d’activité physique et de loisirs pour adultes à l’Hôpital psychiatrique Saint-Charles, à Joliette. Mais rapidement, Richard E. Tremblay s’aperçoit qu’il n’a pas les outils pour aider cette clientèle. Il s’inscrit donc au nouveau programme de psychoéducation de l’Université de Montréal. « C’est lors d’un stage que j’ai découvert l’univers de la délinquance et de la criminalité, raconte-t-il. J’ai ensuite été recruté par l’Institut Philippe-Pinel pour travailler à la réhabilitation des malades mentaux dangereux, et par l’Université de Montréal comme chargé de cours à l’École de psychoéducation. » Après un doctorat en psychologie à l’Université de Londres, où il évalue l’efficacité des internats de rééducation pour adolescents délinquants, Richard E. Tremblay est nommé en 1976 professeur à l’École de psychoéducation, dont il deviendra le directeur 10 ans plus tard.

Durant sa carrière, le professeur-chercheur a travaillé dans de nombreux pays. « Tous mes travaux sont faits en collaboration avec des chercheurs du Québec et de l’étranger. Au dernier compte, j’avais publié avec 508 personnes différentes », précise-t-il. Ses études, qui ont porté sur plus de 30 000 enfants et leur famille, ont profondément changé la façon d’envisager l’émergence de la violence. Par exemple, le chercheur a démontré que l’être humain se montre agressif et violent dès le début de la vie, et qu’il apprend ensuite à contrôler ses pulsions. Pour 4 % des garçons toutefois, les agressions physiques chroniques perdurent au moins jusqu’à l’adolescence. Heureusement, les interventions préventives peuvent changer la donne. En 1984, Richard E. Tremblay et ses collègues ont commencé à suivre 1000 garçons de la maternelle en milieux défavorisés à Montréal dans une étude sur la prévention de la délinquance. « Trente ans plus tard, les résultats indiquent que les garçons ayant participé au programme de prévention ont été plus nombreux que les autres à terminer leur secondaire et moins nombreux à avoir des problèmes de délinquance et de drogue ou un dossier criminel à l’âge adulte », révèle le Dr Tremblay, qui a ensuite lancé avec des collaborateurs l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec et, pour l’ensemble du Canada, l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes.

C’est sous son leadership scientifique que le gouvernement du Québec a implanté en 2000 le Programme de soutien aux jeunes parents, intégré plus tard au programme SIPPE – Services intégrés en périnatalité et en petite enfance. De plus, Richard E. Tremblay a fondé en 2001 du Centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants, un organisme canadien au sein duquel il a créé, avec quelque 270 collègues provenant de 11 pays, l’Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants. Cette ressource virtuelle gratuite, vulgarisée et multilingue est régulièrement mise à jour. En 2016, l’Encyclopédie a été consultée par plus d’un million de visiteurs de partout dans le monde!

Celui qui a été titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le développement de l’enfant de 2000 à 2007 a également exercé une influence déterminante sur la mission de la Fondation Lucie et André Chagnon, soit l’investissement dans la petite enfance. « Nous devons beaucoup à ses convictions et à son réseau de collaborateurs canadiens et internationaux », de dire M. Chagnon. L’expertise du chercheur se manifeste aussi dans les programmes de prévention Brindam, pour les enfants en milieux de garde, et Fluppy, pour les enfants de maternelle. Plus de 15 000 éducateurs au Canada, en France, en Colombie et en Russie ont reçu une formation pour implanter ces programmes. « On règle rarement un problème à l’intérieur d’une génération », soutient cependant Richard E. Tremblay. Il préconise aussi l’intervention intensive dès la grossesse. Il a donc participé à l’implantation et à l’évaluation, notamment à Dublin et à Paris, de programmes de soutien pour les jeunes femmes enceintes de milieux défavorisés, programmes visant à prévenir la transmission intergénérationnelle des difficultés d’adaptation.

Dès 1984, soucieux de favoriser la collaboration entre les meilleurs chercheurs du Québec et de former la relève, Richard E. Tremblay a cofondé le Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant (GRIP), qu’il a dirigé jusqu’en 2014. Ce regroupement d’une trentaine de chercheurs de plusieurs universités québécoises est devenu l’un des plus importants sur la scène internationale par sa productivité scientifique. Grâce à l’obtention d’une subvention Marie Curie de la Commission européenne, le chercheur a également créé un réseau international de formation de chercheurs et de professionnels dans le domaine de la prévention à la petite enfance.

À un âge où plusieurs prennent leur retraite, Richard E. Tremblay ne voit pas le jour où il accrochera son sarrau de chercheur. « Il y a encore beaucoup de travail à faire en prévention de la violence et de la délinquance », dit celui qui est toujours actif à titre de chercheur au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine. Gardant la forme, le scientifique s’entraîne pour courir deux marathons par année. Il a notamment terminé 10e sur 48 dans sa catégorie au marathon de Dublin, il y a quelques années. Son rêve? Arriver premier dans sa tranche d’âge avant ses 90 ans!

Information complémentaire

Membres du jury :
Michel Janosz (président)
Benoit Lévesque
Jean Mercier

Crédit photo :
  • © Éric Labonté
Texte :
  • MESI