Roland Poulin, lauréate

Naissance le 17 avril 1940 à St. Thomas (Ontario), décès le à 

Biographie

« L’art est une aventure dans laquelle on s’engage et qui doit nous conduire où on n’est pas encore allé ; c’est une aventure riche mais angoissante. On ne sait pas où ça peut nous mener. »

Entrer en contact avec une œuvre de Roland Poulin, c’est découvrir inscrite dans la matière un questionnement métaphysique qui rejoint chacun d’entre nous au plus intime de l’être ; c’est chercher avec l’artiste, à travers son œuvre, un début de réponse.

Roland Poulin est né à St. Thomas en Ontario, mais il grandit à Montréal où sa famille s’installe en 1944 ; après ses études primaires et secondaires, indécis sur ses choix d’avenir, il entre sur le marché du travail et cherche la réponse à la question lancinante : Que faire de sa vie ? De petits boulots en petits boulots, il devient assistant-graphiste dans une agence de publicité où un collègue l’entraîne un jour au Musée des beaux-arts de Montréal. C’est là sa première visite au musée ; il a 22 ans et il ne connaît encore rien à la peinture. Il tombe en arrêt devant un tableau, subjugué. Roland Poulin vient de rencontrer son avenir : L’Étoile noire de Paul-Émile Borduas est la lumière qui le guidera désormais. Il a trouvé sa vocation, il ne lui reste plus qu’à devenir peintre.

Ce qui impressionne Poulin dans L’Étoile noire, c’est la générosité du peintre et la découverte de la dimension métaphysique que peut contenir une abstraction alors qu’auparavant, seule la littérature lui paraissait porteuse de réflexion philosophique. Le tableau de Borduas, parce qu’il n’est pas l’illustration d’une réalité mais l’expression de la conception des choses intérieures, répond à ses questions. « Ce que j’ai senti dans le tableau de Borduas, c’est une certaine relativité dans la lecture, et c’est encore avec ça que je travaille aujourd’hui. »

Roland Poulin, dès cet instant, entre en art comme autrefois on entrait en religion. Il s’informe sur Borduas, lit le Refus global, peint, dessine, travaille et se présente au concours d’admission à l’École des beaux-arts où il est refusé. Pour lui, c’est une véritable catastrophe. Mais sa conviction est telle que, loin de se laisser abattre, il s’inscrit aux cours du soir du même établissement et, après deux ans d’études, parvient à se faire parrainer par les professeurs et par atteindre son but : être accepté aux cours de jour. Quatre ans plus tard, en 1969, diplômé de l’École des beaux-arts, Roland Poulin commence à enseigner à la Commission des Écoles catholiques de Montréal, entamant ainsi une longue carrière dans l’enseignement, ce qui lui permettra de gagner sa vie et de consacrer tous ses temps libres à l’art. Car Roland Poulin a une certitude : sa vie entière sera vouée à l’art.

Il travaille quelque temps avec Mario Merola et, petit à petit, s’avance vers la sculpture, vers la matière, vers les objets. Roland Poulin n’est pas encore familier avec les techniques de sculpture, mais il sent qu’il doit explorer l’espace et la matière. Déjà il sait que la tension entre la géométrie et l’irrationnel restera l’élément déterminant de son travail en sculpture. La lumière l’intéresse et il expérimente différents matériaux jusqu’à trouver ce qui lui permet l’expression d’une recherche qui ne cessera d’évoluer, de se modifier et de s’approfondir. Il explore diverses approches, passant des modules d’acrylique transparent illuminés par des tubes de néon, à des œuvres immatérielles utilisant le laser et dont il a éliminé toute référence à l’objet. Il en arrivera cependant à délaisser ce type d’expériences pour entreprendre une démarche qui le mènera à définir son vocabulaire sculptural personnel. Après avoir exploré les possibilités de divers matériaux, il crée et expose des sculptures en ciment, avant de revenir à l’utilisation du bois et, plus tard, à celle du bronze.

Loin des modes, approfondissant le rapport du spectateur avec l’œuvre et les thèmes de la mort et du sacré, Roland Poulin se taille peu à peu une place unique dans le monde de la sculpture. Son apport à l’histoire moderne de la sculpture est désormais incontestable tout autant que la reconnaissance internationale ; pas une année ne s’est écoulée, depuis 1971, sans qu’une œuvre de Poulin ne soit exposée, et ce, non seulement au Québec et ailleurs au Canada, mais aussi aux États-Unis, en Allemagne, en Belgique, en France et en Angleterre. Sa présence dans les musées et la quantité impressionnante d’écrits sur son œuvre font de lui un des artistes contemporains privilégiés. Faut-il souligner que, malgré cette reconnaissance, le sculpteur doit, pour assurer le quotidien, continuer à enseigner ? Après avoir été professeur à l’Université du Québec à Montréal, au Collège du Vieux Montréal, à l’Université Laval, au Collège Brébeuf et à l’Université Concordia, il est toujours professeur de dessin et de sculpture au Département des arts visuels de l’Université d’Ottawa.

Parmi les nombreuses expositions personnelles qui jalonnent le parcours de Roland Poulin, il faut en rappeler deux importantes : une rétrospective au Musée des beaux-arts du Canada en 1994, qui regroupait les œuvres de 15 années, et une autre au Musée d’art contemporain de Montréal en 1999-2000. Soulignons que le dessin, qui tient une place essentielle dans l’œuvre de Poulin, est indissociable de la réflexion du sculpteur.

Roland Poulin a reçu le prix Ozias-Leduc de la Fondation Émile Nelligan en 1992, le prix Victor-Martyn-Lynch-Staunton du Conseil des arts du Canada en 1996 et le prix Jean-A.-Chalmers en arts visuels remis par la Fondation Chalmers de Toronto.

« Tout mon travail est une recherche de fusion, fusion avec le sol, fusion des éléments entre eux. » Cette fusion dont parle l’artiste se retrouve également dans le rapport qu’il établit avec le spectateur. La production de Roland Poulin, qui rejoint les grands archétypes universels, est d’une rigueur remarquable et d’une absolue fidélité dans le propos ; elle reste toujours personnelle, loin de la facilité, toujours novatrice et audacieuse. Parce que l’artiste cherche l’équilibre entre la figuration et l’abstraction, parce qu’il veut rejoindre toutes les dimensions de l’être, son œuvre atteint directement le spectateur. La sombre beauté de ses sculptures témoigne d’une réflexion sur la spiritualité, sur la vie, sur la croissance et la mort, et évoque de manière très intime la tension intérieure qui en résulte.

Information complémentaire

Date de remise :
20 novembre 2001

Membres du jury :
Louise Dusseault Letocha (présidente)
Marcel Marois
Guy Pellerin
Yolande Racine

Crédit photo :
  • Marc-André Grenier
Texte :
  • Janette Biondi