Ronald Melzack, lauréate

Physiologiste et psychologue

Naissance le 19 juillet 1929 à Montréal, décès le à 

Biographie

Chercheur inspiré et théoricien d’avant-garde, Ronald Melzack
réussit à modifier profondément certaines croyances bien
établies en ce qui concerne la douleur. Il infléchit également
le cours des recherches modernes sur la question. Loin d’admettre la souffrance
comme un mal toujours nécessaire, ce psychologue de renom estime qu’elle
constitue souvent une entité clinique en soi, qu’il importe de reconnaître
comme telle et de traiter. Des années d’observation, de recherche et
d’expérimentation étayent cette certitude. L’ampleur de ses travaux,
l’originalité de ses méthodes et la pertinence de ses conclusions
lui vaudront la consécration mondiale. D’après le Science Citation
Index
, Ronald Melzack figure en tête de liste des psychologues canadiens
les plus cités.

De nombreux organismes d’ici et d’ailleurs, tels que l’American Psychopathological
Association (1963), la Société des anesthésistes canadiens
(1974) et l’American Academy of Oral Medicine (1986), soulignent l’excellence
du travail de Ronald Melzack depuis le début de sa carrière. Par
ailleurs, il préside l’International Association for the Study of Pain
de 1984 à 1987 et agit à titre de président honoraire pour
l’Association canadienne de psychologie en 1988.

Une collaboration réussie

« La douleur est bien plus qu’une sensation et davantage qu’un simple
réflexe », explique Ronald Melzack, sur un ton d’extrême
cordialité. « Elle implique directement le cerveau, l’obligeant
de ce fait à prendre des décisions… »

Après des études de psychologie, couronnées par un doctorat
de l’Université McGill en 1954, Ronald Melzack s’intéresse à
la physiologie et poursuit des recherches dans ce domaine pendant cinq années,
tant aux États-Unis (University of Oregon Medical School) qu’en Angleterre
(University College) et en Italie (Université de Pise). De 1959 à
1963, il occupe le poste d’assistant, puis celui de professeur adjoint au Massachusetts
Institute of Technology.

De cette époque date sa longue et fructueuse collaboration avec le physiologiste
britannique Patrick Wall. Ils formulent de concert, en 1965, une thèse
tout à fait révolutionnaire sur le « passage contrôlé
de la douleur » (gate control theory of pain). Leurs conclusions
établissent l’existence d’une forme de modulation dans le mode de traitement
de la douleur par les centres nerveux. Ils reconnaissent du même coup
une importance primordiale aux contrôles inhibiteurs descendants et, surtout,
aux interactions entre afférences opposées (inhibitrices et facilitatrices).
L’impact de cette théorie est énorme sur tout un secteur des sciences
neurologiques. Le cerveau ne constitue plus, dès lors, un récepteur
passif de messages sensitifs d’origine somatique ou viscérale, mais un
véritable centre d’interprétation et de correction.

De retour à Montréal en 1963, Ronald Melzack sera d’abord engagé
à titre de professeur adjoint à l’Université McGill. Il
y est, depuis 1986, titulaire de la chaire E. P. Taylor du Département
de psychologie. Au fil des années, il collabore à des revues prestigieuses,
dont Brain, Scientific American, Science et Pain. Il signe également
plus de 200 articles publiés au Canada, aux États-Unis et en Europe.
S’y ajouteront deux ouvrages, soit The Puzzle of Pain (1972) et The
Challenge of Pain
avec Patrick Wall (première édition : 1983;
seconde édition : 1996), qui seront respectivement traduits en sept et
cinq langues. Encore avec Patrick Wall, il publie Textbook of Pain (1984),
dont la quatrième édition date de 1999. Puis, en 1993, il signe
avec Dennis Turk Handbook of Pain Assessment, considéré
à juste titre comme un ouvrage de référence essentiel sur
la question.

Les études de Ronald Melzack sur l’hyperalgésie et l’hyperesthésie
dues aux lésions de la zone grise du mésencéphale aboutissent
à des conclusions qui, confirmées par d’autres scientifiques,
réorienteront le cours des recherches sur la douleur et conduiront à
la découverte des enképhalines et des endorphines, analgésiques
endogènes sécrétés en réponse aux afférences
nociceptives. Outre le « test du formol », conçu avec ses
étudiants pour l’étude de la douleur prolongée, Ronald
Melzack s’intéresse également à certaines données
subjectives permettant d’évaluer la souffrance et de mieux comprendre
ceux qui souffrent. Aussi met-il au point le Questionnaire McGill-Melzack
sur la douleur (1975), traduit en douze langues et maintenant utilisé
dans le monde entier. Son travail jette en outre quelque lumière sur
le phénomène encore mal connu des douleurs qui subsistent après
l’amputation d’un membre (douleurs fantômes).

Nombre de ses anciens étudiants, tels les docteurs Manon Choinière,
du Centre des grands brûlés de Montréal, Kenneth L. Casey,
spécialiste des mécanismes cérébraux associés
à la douleur, et John O’Keefe, récemment élu membre de
la Royal Society de Londres, sont aujourd’hui des chercheurs d’envergure internationale.

Des cliniques de la douleur

En 1972, avec le docteur Phillip Bromage, il crée une clinique de la
douleur au sein du Département d’anesthésiologie de l’Hôpital
Royal Victoria. Trois années plus tard, en collaboration avec les docteurs
J. Stratford et M. E. Jeans, il fonde la Clinique de la douleur de l’Hôpital
général juif de Montréal, service dont il dirige les recherches
pendant une année, tout en travaillant comme spécialiste-conseil
auprès du Département de neurochirurgie de cet hôpital.

Avec les années, les découvertes du professeur Ronald Melzack
amènent progressivement les chercheurs à réexaminer certaines
idées reçues quant aux mécanismes cérébraux
mis en branle sous l’effet de la douleur et au mode de transmission des messages
douloureux au cerveau. Elles permettent notamment de repérer de multiples
systèmes cérébraux fonctionnant en parallèle. On
peut maintenant, grâce à elles, établir des profils de réaction
différents selon la nature du traitement pharmacologique administré
aux patients. On peut également découvrir l’effet analgésique
de stimuli électriques intenses (hyperstimulation TENS), comparable
aux résultats obtenus par l’acupuncture. L’ampleur de ses travaux, le
nombre impressionnant de ses communications scientifiques et l’impulsion qu’il
saura donner à toute une génération de brillants chercheurs
légitiment le respect et l’admiration dont Ronald Melzack fait l’objet
dans les milieux scientifiques du Québec, du Canada et de l’étranger.

Résumé de la carrière de Ronald Melzack

1954
Doctorat en psychologie de l'Université McGill

1972
Cofondateur de la Clinique de la douleur du Département d'anesthésiologie de l'Hôpital Royal Victoria

1975
Cofondateur de la Clinique de la douleur de l'Hôpital général juif de Montréal

1982
Prix J.J. Bonica de l'Eastern Pain Society

1982
Membre de la Société royale du Canada

1984-1987
Président de l'International Association for the Study of Pain

1985
Prix Molson du Conseil des arts du Canada

1986-
Titulaire de la chaire E. P. Taylor du Département de psychologie de l'Université McGill

1992
Doctorat honoris causa de l'Université de Waterloo

1994
Prix Marie-Victorin

1995
Officier de l'Ordre du Canada

2000
Officier de l'Ordre national du Québec

2001
Prix Killam du Conseil des Arts du Canada

Information complémentaire

Date de remise du prix :
23 novembre 1994

Membres du jury :
Nicole Benhamou (présidente)
Aïcha Achab
Réjean Gagnon
Martin David Levine
Denis Salahub
Crédit photo :
  • François Brunelle
Texte :
  • Alix Renaud
Mise à jour :
  • Nathalie Kinnard