Si la carrière de Serge Filion est intrinsèquement liée à Québec, c’est bien sa vision de la ville à long terme et dans toute sa complexité qui a permis de diffuser l’expérience et le savoir-faire québécois en urbanisme.
Après ses études en géographie aux universités Laval et McGill et en urbanisme à l’Université de Montréal, Serge Filion devient, en 1969, directeur de la division de l’aménagement du territoire pour la Ville de Québec. Dès lors, son approche visionnaire, passionnée et engagée lui permet de se placer au cœur des grandes transformations urbaines. « Il n’y a pas de vision sans projet, mais surtout, pas de projet sans vision. Quand on commence à travailler comme urbaniste, si l’on ne sait pas où on va, on peut aller dans toutes les directions et, à la fin, on est toujours sur le même parquet », croit-il.
De 1996 à 2005, il occupe le poste de directeur de l’aménagement et de l’architecture à la Commission de la capitale nationale du Québec, avant d’œuvrer pour une année comme adjoint au président.
Doté d’une grande facilité à travailler de façon transdisciplinaire, de solides capacités de communicateur, notamment avec la sphère politique et les médias, et d’un regard tourné vers le monde, il chapeaute le projet de conversion du boulevard Champlain en promenade de front de mer. Une idée qui se révèle à lui durant ses voyages d’études, entre autres, à Vancouver, Boston et Barcelone. Trois phases plus tard, la Promenade Samuel-De Champlain est certainement l’un des attraits majeurs de Québec en mesure de rallier aussi bien les citoyennes et citoyens que les touristes.
Parmi les autres projets notables dont il est responsable et qui font état de son implication multiple, le parachèvement de la colline Parlementaire, l’aménagement de places et parcs publics ainsi que la requalification des portes d’entrée et des voies d’accès au cœur de la ville, sans oublier le plan vert et bleu de la capitale.
À la Ville de Québec, on lui doit également la conception du premier plan d’aménagement du territoire et du premier plan de zonage qui conduiront à l’implantation du quartier Lebourgneuf, la revitalisation du quartier Saint-Roch et le plan d’aménagement complet des berges des rivières Saint-Charles et du Berger, incluant le projet Kabir Kouba.
Régulièrement invité à l’étranger, Serge Filion favorise la diffusion de l’ingéniosité québécoise tout en enrichissant ses propres pratiques. Par exemple, sa collaboration avec l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal pour la mise sur pied d’une exposition itinérante sur l’œuvre d’Ildefonso Cerdà et le plan de Barcelone ou encore, son intervention comme panéliste au colloque international Les imaginaires urbains en recomposition, à l’Université de Lyon.
Parallèlement à ses activités professionnelles, il s’implique de manière bénévole, entre autres, en siégeant au conseil d’administration de l’Ordre des urbanistes du Québec de 1991 à 2017 et en le présidant pendant 7 ans. Sous son impulsion, la contribution de l’urbanisme aux réflexions sur les grands enjeux et au débat public est mise de l’avant et se dégage davantage dans les dossiers municipaux. Ainsi, il se positionne plusieurs fois en faveur du développement durable et du respect du sol en tant que ressource au Québec. Puis, en 1995, il lance les États généraux du paysage québécois, dont l’objectif est de sensibiliser à l’importance des paysages naturels et culturels dans le développement durable ainsi que de promouvoir une approche interdisciplinaire pour leur gestion. Cet événement mène à la création du Conseil québécois du paysage, puis à l’adoption de la Charte du paysage québécois.
Cette avancée de l’urbanisme à l’échelle sociétale passe sans contredit par la communication, domaine dans lequel il excelle. Pas étonnant alors qu’il enseigne à l’Université Laval et à l’Université de Montréal durant presque 20 ans comme chargé de cours et qu’il siège comme commissaire au Conseil du patrimoine du Québec.
« Une ville, ce n’est pas comme un tableau ou comme une maison pour un architecte et son client, c’est un projet de société. Donc, vous ne pouvez pas travailler ça dans votre alcôve, puis sortir le plan et penser que tout le monde va être d’accord sans consultations publiques. C’est ce que j’ai appris et qui m’a tenu occupé pendant plus de 40 ans, parce que l’urbanisme, c’est “la science du temps long” », explique-t-il.
Aujourd’hui à la retraite, Serge Filion continue de mobiliser toutes les instances québécoises autour de la défense des patrimoines culturels et de l’environnement. Ses objectifs ? Encourager la création d’espaces urbains qui honorent le passé et la priorisation de la crise écologique dans les politiques urbaines à venir. « Il faut persévérer. Voilà ma principale motivation pour les prochaines années », confie l’urbaniste participant à un projet de santé durable pour la capitale avec un groupe de professionnels de l’aménagement et de la santé.