Stephen Hanessian, lauréate

Chimiste

Naissance le 25 avril 1935 à Alexandrie, Égypte, décès le à 

Biographie

Sur l’écran de l’ordinateur de Stephen Hanessian, du Département
de chimie de l’Université de Montréal, apparaît une structure
moléculaire : un carré, un pentagone, des liaisons hydrogène…
Il s’agit de la représentation en trois dimensions d’un antibiotique.
Peut-être ce produit existe-t-il partiellement à l’état
naturel ou bien en quantité insuffisante pour répondre à
des besoins de santé publique… Quoi qu’il en soit, le chercheur
se demande comment produire une molécule analogue. Comment en faire la
synthèse? Tout d’abord, par quel élément commencer? C’est
tout un art.

Stephen Hanessian admet bien vite aussi que la nature demeure pour lui un grand
modèle, qu’il se borne à copier ou dont il s’inspire. « 
Impossible de rivaliser avec une créatrice qui compte une telle…
expérience! », déplore-t-il, non sans une pointe d’humour.
Cela ne l’empêchera guère toutefois de synthétiser totalement
de nombreuses molécules aux propriétés médicales
très recherchées.

Un architecte du vivant

Aussitôt après l’obtention de son doctorat en chimie organique
de l’Ohio State University, en 1960, Stephen Hanessian participe, pendant sept
années, à des travaux de recherche sur la chimie des produits
naturels dans les laboratoires de la compagnie Parke-Davis à Ann Arbor,
au Michigan. L’expérience ainsi acquise au sein d’un tel établissement
facilitera les relations de partenariat que le chercheur saura entretenir entre
l’université et l’industrie.

En 1968, l’Université de Montréal engage Stephen Hanessian comme
professeur. Enseignant et chercheur de grande qualité, il élabore
des concepts originaux qui conduisent à la synthèse de molécules
complexes aux propriétés pharmaceutiques très prisées
: antibiotiques, antiviraux, antileucémiques. L’ampleur et la diversité
des activités qu’il mène de front le conduisent à mettre
sur pied un groupe qui réunit aujourd’hui 30 chercheurs. Depuis 1980,
Stephen Hanessian est titulaire de la Chaire McConnell, à l’Université
de Montréal et, depuis 1990, de la Chaire en chimie médicinale
du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CNRSG) du
Canada, qui compte plusieurs partenaires industriels.

Stephen Hanessian compare volontiers ses activités à celles d’un
architecte. Ses méthodes d’analyse et de synthèse tirent leur
originalité, leur attrait, leur efficacité et leur fécondité
de la liberté qu’elles donnent au concepteur de choisir les stratégies,
les plans d’action et les réactifs de manière à laisser
se manifester son propre tempérament. C’est de cette façon que
Stephen Hanessian permet à de nombreuses entreprises pharmaceutiques
de mettre au point des médicaments efficaces et commercialement réalisables.
De tels succès lui assurent, depuis plus d’une vingtaine d’années,
une estime et une notoriété internationales.

Une méthode personnalisée

La méthode Chiron se trouve à l’origine des premiers succès
du professeur Hanessian dans le domaine de la synthèse en chimie organique.
Elle consiste principalement à prédire, à partir de l’observation
et de l’analyse de la structure stéréochimique de composants organiques,
un plan de synthèse logique. Un logiciel du même nom assure la
transposition informatique. Cet outil interactif est destiné à
ouvrir aux chimistes les voies les plus susceptibles de les conduire à
des synthèses aussi élégantes qu’économiques. Car,
ce qui passionne Stephen Hanessian, c’est la manière d’effectuer la synthèse
des molécules avec tout ce que cette entreprise comporte de stimulations
intellectuelles et esthétiques, malgré les contraintes commerciales
et techniques. Il existe sans doute mille façons de parvenir à
synthétiser une substance chimique, mais les stratégies qu’adopte
Stephen Hanessian ont un style qui lui est propre.

Les synthèses qui feront la célébrité du scientifique
sont fondées sur l’emploi de produits de démarrage particuliers
: des énantiomères purs encore appelés des « énantiopurs
 ». Stephen Hanessian a tout d’abord l’idée d’exploiter les propriétés
stéréochimiques des hydrates de carbone comme produits de démarrage.
Il parvient ainsi à synthétiser une pléiade de substances
naturelles, notamment de nouveaux agents médicaux : antibiotiques, antiviraux,
anticancéreux. Il étend ensuite la gamme des composés susceptibles
d’amorcer des synthèses; elle comprend, par exemple, les acides aminés
et les terpènes.

D’une façon générale, la méthode de Stephen Hanessian
permet de jeter un pont entre la chimie et la biologie. Et justement, le chercheur
a longtemps été l’un des rares chimistes qui puissent allier des
connaissances de pointe en ce qui concerne la chimie à une bonne compréhension
des phénomènes biologiques. D’où l’immense intérêt
que lui témoignent les compagnies pharmaceutiques, pour lesquelles il
demeure un précieux consultant.

Chercheur prolifique, Stephen Hanessian compte à son actif plus de 400
articles scientifiques et 3 monographies. Il est également titulaire
de 28 brevets. De nombreux prix jalonnent sa carrière dont la Personnalité
de l’année par le journal La Presse (1996) et deux doctorats honoris
causa
de l’Université de Sienne, en Italie, et de l’Université
de Moncton, au Nouveau-Brunswick (2001).

Depuis le début de sa carrière, Stephen Hanessian explique sans
relâche ses méthodes et les perfectionne. Ainsi peut-il afficher
avec fierté, sur les murs de son laboratoire, la liste des quelque 250
étudiants venus travailler avec lui et des postes qu’ils occupent maintenant
dans des établissements universitaires ou des entreprises industrielles
partout au monde : « Quoique peu d’événements soient aussi
stimulants qu’une découverte scientifique, commente-t-il, ma plus grande
joie est de voir mes collègues s’épanouir et exceller dans leur
carrière personnelle. »

Résumé de la carrière de Stephen Hanessian

1960
Doctorat en chimie organique de l'Ohio State University

1974
Prix Merck-Frosst de l'Institut de chimie du Canada

1974
Merck, Sharpe & Dohme Award de l'Institut de chimie du Canada

1982
Prix Hudson de l'American Chemical Society

1987
Prix Urgel-Archambault de l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences

1988
Prix Alfred Bader de la Société canadienne de chimie

1988
Médaille Palladium de l'Institut de chimie du Canada

1989
Bourse Killam

1990-
Titulaire de la Chaire en chimie médicinale du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie

1991
Prix Bell-Canada Forum

1992
Médaille Smissman de l'University of Kansas

1996
Médaille d'or du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie

1996
Prix Marie-Victorin

1996
A. C. Cope Scholar Award de l'American Chemical Society

1997
Prix Killam

1998
Officier de l'Ordre du Canada

2001
Prix Bernard-Belleau de la Société canadienne de chimie

Information complémentaire

Date de remise du prix :
7 décembre 1996

Membres du jury :
Mohammed El-Sabh (président)
Guy Archambault
Louise Filion
George Just
André-Marie Tremblay
Crédit photo :
  • Roch Théroux
Texte :
  • Bernard Lévy
Mise à jour :
  • Nathalie Kinnard