Depuis leur découverte dans les années 60, les étoiles à neutrons n’ont cessé de fasciner les astronomes. Résultats de l’explosion d’étoiles plus massives, ces minuscules objets célestes, qui ne mesurent que de 15 à 20 km de diamètre, renferment plus de matière que le Soleil. Ils tournent sur eux-mêmes à des vitesses folles et possèdent un champ magnétique des milliards de fois plus intense que celui de la Terre. Dans les dernières années, l’astrophysicienne Victoria Kaspi s’est imposée sur la scène internationale comme une leader incontestée de la recherche sur les étoiles à neutrons. Aussi à l’aise derrière la lunette d’un télescope que dans la rédaction d’articles scientifiques pour les meilleures revues savantes, la professeure de l’Université McGill est à l’origine de nombreuses découvertes qui ont révolutionné la compréhension de ces étoiles, dont elle a aussi su tirer profit pour valider certaines théories de la physique.
Victoria Kaspi naît en 1967 à Austin, au Texas. Son père, originaire d’Israël, y termine son doctorat en littérature alors que sa mère, native de Montréal, travaille comme technicienne à l’hôpital. La petite fille a sept ans lorsque la famille déménage à Montréal. Bientôt, Victoria abandonne ses poupées et ses jeux de construction alors que son frère, un peu plus âgé, lui fait découvrir la science-fiction. Elle devient vite une inconditionnelle de la série Star Trek et dévore les livres comme le roman A Wrinkle in Time (Un raccourci dans le temps), qui la marque profondément. Adolescente, elle est aussi une grande partisane du hockeyeur Guy Lafleur.
Victoria Kaspi étudie d’abord la physique à l’Université McGill. Étudiante brillante, elle est acceptée en maîtrise dans plusieurs universités prestigieuses. Elle choisit celle de Princeton, au New Jersey, pour le sujet de recherche qui lui est offert, mais aussi parce qu’elle n’est pas trop loin de Montréal. Au doctorat, elle a pour mentor l’astrophysicien de renommée mondiale Joseph Taylor, qui obtient le prix Nobel de physique pour ses travaux en radioastronomie en 1993, le lendemain du jour où la jeune chercheuse soutient sa thèse.
Dès lors, l’astrophysicienne est lancée. Elle enchaîne les stages de recherche dans les meilleurs laboratoires américains de pointe. D’abord attachée de recherche au California Institute of Technology, elle décroche une prestigieuse bourse postdoctorale pour travailler avec le télescope spatial Hubble, au Jet Propulsion Laboratory de la NASA, puis au Massachusetts Institute of Technology (MIT). C’est là qu’elle est nommée professeure en 1997, avant de rejoindre l’Université McGill en 1999.
Touche-à-tout de génie, Victoria Kaspi consacre l’essentiel de ses travaux aux étoiles à neutrons, combinant des techniques variées pour étudier ces objets célestes sous toutes leurs facettes. Elle s’intéresse autant aux pulsars, des étoiles à neutrons visibles par les ondes radio qu’elles émettent, qu’aux magnétars, des étoiles dotées d’un magnétisme extrême. L’astrophysicienne est l’auteure de plus de 140 publications scientifiques et d’autant de conférences spécialisées. Plusieurs de ses découvertes, publiées dans des revues prestigieuses comme Science et Nature, ont été rapportées par des médias du monde entier.
En 2005, son équipe découvre pas moins de vingt pulsars dans un même amas d’étoiles au sein de la Voie lactée. L’année suivante, elle repère le pulsar ayant la rotation la plus rapide connue à ce jour. Cette étoile de seulement 10 km de diamètre, pesant plus que le Soleil, tourne sur elle-même 716 fois par seconde! Cette observation a fracassé un record vieux de 23 ans et éclairé d’un jour nouveau les connaissances sur la matière à très haute densité.
Récemment, Victoria Kaspi et ses collaborateurs ont détecté un champ magnétique exceptionnellement intense dans une étoile à neutrons. Cette découverte révolutionnaire ouvre la voie à une nouvelle théorie des étoiles compactes. La professeure Kaspi sait aussi utiliser les étoiles à neutrons pour valider ce que prédit la théorie. C’est à son équipe que l’on doit le test le plus rigoureux publié à ce jour de la théorie générale de la relativité d’Albert Einstein.
Vicky, comme l’appellent ses collègues et ses étudiants, est une femme de défis, reconnue pour sa persévérance et pour son esprit d’innovation. Instigatrice du groupe d’astrophysique de l’Université McGill, elle est aussi titulaire de la chaire Lorne-Trottier d’astrophysique et de cosmologie et de la chaire de recherche du Canada d’astrophysique d’observation. La chercheuse se double d’une pédagogue hors pair qui attire les meilleurs étudiants. En à peine dix ans, Victoria Kaspi a supervisé près d’une trentaine de projets de recherche menés par des étudiants, du premier cycle jusqu’au postdoctorat. Pendant ce même temps, elle a aussi donné naissance à trois bambins, aujourd’hui âgés de 8, 7 et 4 ans! Avec un mari cardiologue et des missions d’observation sur toute la planète, Victoria Kaspi est passée maître dans l’art de concilier famille et travail, stimulée par les joies qu’elle en retire de part et d’autre.
Malgré son jeune âge, la chercheuse a déjà reçu un nombre impressionnant de distinctions. En 2007, la Société royale du Canada, dont elle est membre, lui remet sa médaille Rutherford, et l’Association francophone pour le savoir lui décerne le prix Urgel-Archambault. En 2006, elle reçoit le prestigieux prix Steacie pour les sciences naturelles, attribué chaque année à un jeune scientifique au Canada. Victoria Kaspi a aussi été récipiendaire de la médaille Hertzberg de l’Association canadienne des physiciens, d’une bourse Steacie du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, du prix Salpeter de l’Université Cornell, du prix « Jeunes explorateurs » de l’Institut canadien de recherche avancée, d’une bourse de recherche de la fondation Sloan, du prix Annie J. Cannon de la société américaine d’astronomie et d’une bourse de carrière de la National Science Foundation des États-Unis.
Au cours de sa carrière, Victoria Kaspi s’est également impliquée dans l’organisation de plus de vingt congrès scientifiques, tenus dans pas moins de dix pays. Et malgré un agenda chargé, cette chercheuse toujours enthousiaste et souriante prend régulièrement le temps de transmettre ses connaissances au plus grand nombre, à l’occasion de conférences publiques ou d’entrevues dans les médias.