Certaines personnes traversent la vie à une vitesse peu commune. Le
docteur Yvan Guindon, directeur de l’Unité de recherche en chimie
bio-organique de l’Institut de recherches cliniques de Montréal
(IRCM), fait décidément partie des gens dont la trajectoire professionnelle
ressemble à un météore. Ce chimiste et administrateur
de haut niveau a gravi les échelons du succès à un rythme
fulgurant et contribué au rayonnement international non seulement de
Merck Frosst Canada et de Bio-Méga/Boehringer Ingelheim à une époque
où l’industrie pharmaceutique battait de l’aile, mais aussi
de l’IRCM, fleuron québécois de la recherche biomédicale.
Tout au long de sa carrière, Yvan Guindon a acquis une grande renommée
grâce à ses recherches en chimie thérapeutique, qui sont à l’origine
de plus de 45 brevets. Il est considéré aujourd’hui comme
l’un des chefs de file mondiaux dans le domaine des radicaux libres.
Ses travaux actuels permettent d’entrevoir des solutions thérapeutiques
en vue de contrôler, entre autres, les problèmes d’inflammation
et les métastases cancéreuses. Outre ses découvertes scientifiques,
ses qualités d’administrateur ont aussi permis de contribuer à la
vigueur de l’industrie biopharmaceutique au Québec.
« La chimie m’a toujours attiré pour son côté artisanal,
manuel, et son côté théorique, plus intellectuel »,
affirme l’éminent chimiste. Cet intérêt s’est
effectivement traduit par une grande capacité de concilier la recherche
biomédicale appliquée et la recherche fondamentale. En l’espace
d’une vingtaine d’années, Yvan Guindon a occupé des
postes de leadership dans deux grandes entreprises pharmaceutiques, soit Merck
Frosst Canada et Bio-Méga devenue Bio-Méga/Boehringer Ingelheim,
dont il a contribué au développement et à la survie au
Québec, alors que l’industrie connaissait une « descente
aux enfers », selon le chercheur.
« Pendant les années 70, il était très difficile
de trouver un emploi comme chimiste au Québec, relate le docteur Guindon.
Les postes de professeur dans les universités canadiennes étaient
pratiquement inexistants et plusieurs compagnies pharmaceutiques fermaient
leurs activités de recherche. » Yvan Guindon s’est
finalement joint à une petite équipe de chercheurs chimistes
chez Merck Frosst Canada. En un bref laps de temps, soit à peine quatre
ans, sa créativité et la richesse de ses méthodes de travail
ont vite été remarquées et l’ont propulsé au
poste de directeur principal. Pendant cette période, ses intérêts
de recherche ont porté sur la découverte de nouveaux traitements
de l’asthme. Les efforts de toute l’équipe de recherche
ont abouti à la mise au point du médicament Singulair. Cette
percée thérapeutique considérable est utilisée
de nos jours à grande échelle.
En 1987, Bio-Méga, une des premières entreprises québécoises
spécialisées en biotechnologie, lui offre un poste de directeur
scientifique. « L’entreprise n’allait pas bien, avance
le docteur Guindon. Or, nous avons réussi ici aussi à bâtir
un groupe de chimie très fort. » Son équipe a travaillé d’arrache-pied à la
mise au point de médicaments antiviraux, liés notamment au VIH
et à l’herpès, ainsi que pour le traitement des maladies
cardiovasculaires. Ses efforts ont porté des fruits, car, en moins de
un an, il est nommé vice-président à la recherche et au
développement chez Bio-Méga/Boehringer Ingelheim et a directement
contribué au positionnement nord-américain de cette multinationale. « Il
faut être rêveur dans la vie, déclare-t-il. Les découvertes
n’arrivent pas seules. La façon moderne de trouver des médicaments
consiste à faire travailler beaucoup d’individus ensemble sur
des cibles bien précises. »
« À 43 ans, j’ai décidé de faire le
saut dans le milieu universitaire, explique Yvan Guindon, alors que le passage
d’un chercheur industriel vers ce milieu est plutôt rare. » Michel
Bélanger (« l’un des grands bâtisseurs de la
Révolution tranquille », selon Yvan Guindon), président
en 1994 du conseil d’administration de l’IRCM, le sollicite alors
d’occuper le poste de directeur scientifique de l’IRCM, affilié à l’Université de
Montréal. Une fois sur place, le docteur Guindon, convaincu que l’IRCM
peut se positionner dans les grandes ligues internationales de la recherche,
engage des scientifiques de haut niveau, met en oeuvre un plan de développement
des infrastructures de recherche et s’entoure d’une solide équipe
de gestion. Sa vision sera concrétisée. En 2004, au terme de
son mandat, l’IRCM se classe au premier rang des institutions et centres
de recherche du Québec. Les chercheurs de l’IRCM bénéficient
désormais d’un environnement de travail exceptionnel, unique à Montréal
et parmi les meilleurs au Canada.
Parallèlement à ses responsabilités de directeur, le
docteur Guindon a démarré l’unité de recherche en
chimie bio-organique à l’IRCM où il travaille maintenant à temps
plein. Ce chercheur a réussi à créer une ambiance de travail
chaleureuse dans son laboratoire où de jeunes chimistes se penchent
sur leurs fioles tout en écoutant du soft rock. Les conférences à l’étranger
sont en outre agrémentées de pauses à la mer, photos à l’appui! « Comme
l’un de mes anciens professeurs m’a déjà dit un jour,
notre métier doit aussi être notre passe-temps », soutient
le docteur Guindon.
Yvan Guindon se démarque également par son attachement à Montréal
et au Québec en particulier. Il a fait toutes ses études universitaires,
y compris en vue de l’obtention de son doctorat, à l’Université de
Montréal. Tout au long de sa carrière, il a choisi de rester
au Québec, alors qu’il aurait pu assumer un prestigieux poste
de direction du volet international de chimie chez Merck Frosst au New Jersey. « Lorsque
j’ai refusé, mes amis se sont inquiétés de ma faculté de
jugement », raconte-t-il, sourire aux lèvres. « La
qualité de la chimie au Québec est certainement l’une des
raisons pour lesquelles l’industrie pharmaceutique s’est établie
au Canada », souligne-t-il, fier de l’impulsion qu’il
a donnée à ce secteur.
À l’heure actuelle, le docteur Guindon mise énormément
sur la formation de la relève scientifique : « En tant
que chercheur, on ne sait jamais quand on va faire une grande découverte;
par contre, nous savons que nous formons des étudiants. » Persuadé que
l’économie du savoir exige une main-d’oeuvre de haut
niveau, le docteur Guindon fait du réinvestissement dans l’enseignement
supérieur son cheval de bataille. « L’avenir du Québec
repose sur ses ressources humaines hautement qualifiées »,
prédit-il.
Le docteur Guindon a reçu d’importantes distinctions durant sa carrière.
Il est membre de l’Institut de chimie et de la Société royale
du Canada. Il s’est vu décerner le prix Marcel-Piché, remis à un
chercheur de l’IRCM pour souligner la qualité de ses réalisations
et sa contribution à l’avancement de la communauté scientifique
québécoise. Il est également membre de l’Ordre du
Canada, soit la plus haute distinction honorifique canadienne pour l’oeuvre
d’une vie entière.