André Fournelle, lauréate

Entrevue

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Biographie

Depuis près de six décennies, André Fournelle façonne la matière pour en faire jaillir la lumière. En véritable alchimiste, il transmute le métal, le feu ou encore le néon en éloquentes œuvres d’art. Ses sculptures et installations, permanentes comme éphémères, exposent sa profonde sensibilité à la fragilité humaine, de même qu’un engagement social fortement ancré. Ce grand nom de l’art contemporain québécois est le créateur d’une œuvre riche, constante et cohérente, qui marque la mémoire et le territoire, tant au Québec qu’à l’étranger.

Orphelin de guerre, celui qui considère que l’obtention du prix Paul-Émile-Borduas 2021 est « un grand honneur » a grandi à Montréal. C’est au début de la vingtaine, alors qu’il travaille dans une fonderie industrielle, qu’il développe une fascination pour le formage des métaux et ses multiples possibilités. Le métal en fusion deviendra ainsi la base de plusieurs de ses œuvres, de même que le charbon et le néon.

Artiste autodidacte, André Fournelle fait son apprentissage par des lectures et des expérimentations et étudie la sculpture dans le cadre d’ateliers aux États-Unis, en Italie, en Belgique et en France. En 1967, il contribue à la mise sur pied d’une fonderie expérimentale et collective, où il bénéficiera du compagnonnage d’Armand Vaillancourt. « Tout ce que j’ai acquis au fil des ans dans mon travail, je le dois en grande partie au compagnonnage ainsi qu’à ma curiosité, à ma passion pour mon métier et à ma persévérance », indique-t-il. Au cours de cette période, il collabore également avec Marcelle Ferron à la recherche d’alliages de verre et de métal et s’intéresse aux technologies, notamment au laser. Ce cheminement l’amènera à intégrer, dans les années 1970, le groupe Experiment in Art and Technology, un laboratoire de création multidisciplinaire américain, sous la direction de Robert Rauschenberg.

L’œuvre d’André Fournelle est issue de la mouvance de l’art engagé des années 1960. Puisant à diverses sources, comme les éléments naturels, les formes géométriques et certains courants de l’histoire de l’art, son travail porte une signature unique et reconnaissable entre toutes.

Plusieurs œuvres d’intégration de l’art à l’architecture et à l’environnement sont le fruit de l’audace et de l’ingéniosité de l’artiste, dont Un moment vivant (2000, Taipei, Taïwan) et Pyrophore (2003, Saguenay). Mentionnons également sa création intitulée Spirale, une imposante structure en néon de forme spiralée réalisée en 1989 et exposée dans le désert de la Vallée de la Mort, en Californie, qui rend hommage à l’un des fondateurs du land art, Robert Smithson.

Loin de se limiter à la sculpture, l’œuvre d’André Fournelle se déploie aussi dans des tableaux, des installations et des performances. Parmi les interventions les plus mémorables de l’artiste, notons Fires in Your Cities, en 1982, un grand X en tubes de néon apposé sur un immeuble qu’on s’apprêtait à démolir à Montréal. Tout aussi évocatrice, Lumière et silence, en 1999, sous le pont des Arts, à Paris, est considérée comme l’une des œuvres les plus spectaculaires d’André Fournelle. En 2005, l’artiste exécute une autre performance qui marquera l’imaginaire : à l’occasion de l’événement Les Incendiaires, présenté simultanément à Paris, au Centre Pompidou, et à Montréal, à la Place des fêtes, il fait brûler du charbon sur des lits en acier forgé afin de sensibiliser les citoyens au problème de l’errance.

Si l’activité artistique d’André Fournelle investit le champ de la critique sociale et politique, les matériaux qu’il emploie renvoient, en parallèle, à l’éphémère et aux cycles de la vie et de la mort. À titre d’exemple, Ligne d’or / Ligne de vie, résultat d’une performance de fonderie en direct réalisée en 2018 à la Fonderie Darling, rappelle la durée et la valeur aléatoires d’une vie.

Depuis le début de sa vaste et prolifique carrière, ce grand humaniste et artiste indigné produit des œuvres brillantes et poétiques, issues de pratiques innovantes, contribuant ainsi à l’avancement des arts. Il se pose en outre en pionnier dans le rayonnement de son art au-delà du territoire québécois, exposant son travail dans de multiples institutions ici comme à l’étranger, dont le Musée national des beaux-arts du Québec, la Galerie Clara Maria Sels à Düsseldorf, en Allemagne, la Chapelle des Brigittines à Bruxelles et l’Hôtel de la Monnaie à Paris.

Le plus grand souhait d’André Fournelle pour les années à venir est d’« avoir l’énergie, la santé, les facultés mentales, la passion, bref tout ce qu’il faut pour continuer à créer ». Du même souffle, il ajoute : « Et dans le prolongement de ce désir, je vous annonce, sans ironie d’ailleurs, que je n’ai aucunement l’intention de prendre ma retraite! »

Information complémentaire

Membres du jury :

Étienne Grenier
Moridja Kitenge-Banza
Suzanne Paquette
Rober Racine
José Luis Torres

Crédit photo :
  • Éric Labonté
Crédit vidéo :

Réalisation, production et postproduction : Luis Dion-Dussault
Images supplémentaires : Productions Cina
Prise de son : Thomas Kieller
Musique originale : Steve Adams
Entrevues : Caroline Godin