André Gaulin, lauréate

Naissance le 5 juillet 1936 à Québec, décès le à 

Entrevue

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Biographie

C’est le thème de l’échec dans l’univers romanesque
des écrivains québécois au cours des années 1940 à 1960
qui pousse André Gaulin au militantisme puis à la politique active.
Une origine modeste jamais reniée, lui fils de boucher devenu professeur
d’université, compte aussi pour beaucoup dans son engagement.
Plus que quiconque, il se sent apte à concilier les mondes opposés
que représentent les environs bourgeois du parlement de Québec
et les quartiers populaires qu’il surplombe, et qu’englobe la circonscription
de Taschereau qu’il représente à l’Assemblée
nationale de 1994 à 1998. Sans doute faut-il y voir aussi le désir
de laver cette part de mépris envers les plus humbles dont les élites
sont souvent porteuses, et dont le clergé fait preuve à l’égard
de ceux qui, comme lui, font partie au tournant de la Révolution tranquille
de ces « prolétaires de la Sainte-Église »,
selon l’expression de Jean-Paul Desbiens, le frère Untel.

À
l’Assemblée nationale, André Gaulin poursuit son combat
pour la qualité du français; il s’évertuera, avec
un succès relatif il faut dire, à épurer le discours des
législateurs des nombreux anglicismes qui se sont imposés avec
le temps; il ira jusqu’à faire parvenir au président de
l’Assemblée nationale un court glossaire des expressions françaises
correctes. Il profite de ses interventions en Chambre pour parler de littérature
québécoise, de nos grands écrivains et chansonniers. Il veut être de toutes les tribunes, télévisions ou radios
publiques, privées et communautaires, colloques ou conférences,
ici ou à l’étranger, pour parler de Gaston Miron et de
son œuvre, de Félix Leclerc, pour rendre hommage à nos artistes, écrivains
et chansonniers, pour les faire valoir. Quand on lui demande de représenter
la ministre de la Culture et des Communications, il le fait toujours à sa
façon, avec passion. Les organisateurs d’un hommage à Félix-Antoine
Savard, à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance,
aimeront à ce point le texte de son allocution qu’ils le feront
imprimer à 75 exemplaires sur papier
Saint-Gilles.

André Gaulin aurait pu faire le saut en politique active dès
1975-1976. Il choisit pourtant de se consacrer pleinement à l’enseignement, à la
recherche et à la publication. Les étudiants se pressent aux
cours de ce professeur qui fait aussi de la politique. Avec des collègues
comme Maurice Lemire, Gilles Dorion, Alonzo Leblanc et Aurélien Boivin,
il consacre une grande part de son temps au travail quasi bénédictin
d’édition du monumental Dictionnaire des œuvres littéraires
du Québec
. Il est responsable de la poésie pour quatre des
sept tomes que compte l’œuvre. Il y écrit des articles inspirés
sur L’Homme rapaillé de Gaston Miron, sur Mémoire et suite
fraternelle
de Jacques Brault, sur L’Afficheur hurle de Paul Chamberland,
sur Les Insolences du frère Untel de Jean-Paul Desbiens, sur Balises
de Gilles Vigneault et sur Cent chansons de Félix Leclerc. Il y fait
le point sur l’œuvre et la langue de Pierre Baillargeon. Plusieurs
de ses études mettent en lumière les apports particuliers de
poètes, de romanciers, d’essayistes et de chansonniers comme Leclerc
et Vigneault, bien sûr, mais aussi comme la Bolduc.

S’intéressant à « La chanson comme discours » (illustration
de la poésie orale sonorisée à partir de la chanson Fernand
de Jacques Brel), il a été l’un des premiers, sinon le
premier, à intégrer l’enseignement et la recherche sur
la chanson francophone et québécoise au cursus universitaire.
Il publie en 1994 chez Nuit blanche éditeur, avec la collaboration de
Roger Chamberland, La Chanson québécoise de la Bolduc à aujourd’hui
(anthologie)
et, en 1996, chez Nota bene Tout Félix en chansons avec
comme coresponsables Roger Chamberland et Aurélien Boivin.

S’il est l’universitaire qu’il est, dit-il, c’est
parce qu’il a eu un parcours non conventionnel. Entre 1956 et 1967, il
enseigne dans différentes régions du Québec, aussi bien
au primaire, au secondaire, au collégial qu’à la formation
des maîtres. Parallèlement, il obtiendra de l’Université Laval
un baccalauréat en pédagogie (1960), un baccalauréat en catéchèse
(1963), une licence lettres/histoire (1965), un diplôme de l’École
normale supérieure (1966) et, en 1971, une maîtrise en lettres
québécoises ayant pour sujet « Le thème de l’échec
dans l’univers romanesque d’André Langevin ». Sa thèse
de doctorat soutenue à l’Université de Sherbrooke (1975)
sera publiée en 1980 par Les Presses de l’Université Laval
sous le titre Entre la neige et le feu, Pierre Baillargeon, écrivain
montréalais
. Il attribue à l’influence de maîtres à penser
comme Clément Lockwell, Jean-Charles Falardeau et Lucien Goldmann sa
vision très sociale de la littérature. Il enseignera à la
Faculté des lettres de l’Université Laval de 1970 à 1992.
Il sera nommé professeur émérite en 2001.

C’est dans le combat pour la survie des écoles d’État
qu’il s’initie au militantisme à la fin des années
1960. Il enseigne alors à l’École normale Laval de Québec.
Or, souligne André Gaulin, les écoles d’État ont
une tradition d’éthique du français qui est séculaire.
En décidant de lier la formation des maîtres aux campus universitaires,
le gouvernement sonne le glas de ces institutions. André Gaulin entre
donc à l’université. Son combat se portera en d’autres
lieux. Appelé à se rendre de plus en plus fréquemment à Montréal à titre
de président de son syndicat de professeurs affilié à la
Confédération des syndicats nationaux (CSN), il est choqué de
la place qu’y occupe l’anglais même dans les quartiers francophones.
Il militera alors pour la valorisation d’un Québec français
sur les plans national et international.

Devenu président de l’Association québécoise des
professeurs de français (AQPF) en 1970, il fonde la même année,
avec des collègues, la revue Québec français qui se veut
d’abord un journal pédagogique et de combat destiné à soutenir
et à promouvoir la cause du français dans les écoles et
la société québécoises. Le premier numéro
dont il est le rédacteur principal paraîtra ensuite aux Éditions
de l’homme sous le titre Livre noir. De l’impossibilité presque
totale d’enseigner le français au Québec
. Pendant près
de quinze ans, ses éditoriaux, blocs-notes ou points de vue y constituent
des réflexions sur la situation linguistico-historique du Québec,
sur la détermination à mettre dans le fait de vivre en français
sa vie « amériquoise ». C’est sous sa présidence
que l’AQPF devient membre de la Fédération internationale
des professeurs de français (FIPF).

L’importante tribune que constituent les « Journées de
Sèvres »,
ces rencontres annuelles de la Commission Europe-Québec de la FIPF,
offre la chance à André Gaulin et à ses collègues
de sensibiliser les Européens au combat linguistique du Québec
et aux diverses facettes de la culture d’ici. Sa participation à Littérature
de langue française hors de France/Anthologie didactique
, livre paru
en 1976, est importante tant en ce qui a trait au choix des textes qu’en
ce qui concerne la présentation des auteurs. Ces « Journées
de Sèvres » marquent le début d’une fructueuse collaboration
avec ceux qui, à travers le monde, partagent l’amour de la langue
française. Au Brésil, en Argentine, en Finlande et au Danemark,
des pays où il s’est rendu pour enseigner, prononcer des conférences
ou participer à des colloques, on se montre intéressé,
dit-il, à ce que disent et écrivent ces latins nordiques qui
parlent français tout contre les États-Unis. André Gaulin
aura contribué à faire rayonner le français, la littérature
et la chanson d’ici dans des pays d’au moins trois continents.
Il entretiendra des relations privilégiées avec la France, la communauté française de Belgique et l’Allemagne où,
en 1981, l’Université de Freiburg-im-Breisgau lui décernera
la médaille
Albert-Ludwigs.

André Gaulin est aussi coprésident-fondateur, avec
François-Albert Angers,
Marcel Pepin, Louis Laberge, Yvon Charbonneau, Jacques-Yvan Morin, Mathias
Rioux et Albert Alain, du Mouvement Québec français (MQF)
où il sera le délégué de l’AQPF pendant près
de vingt ans.

André Gaulin est fait chevalier de l’Ordre des Palmes académiques
en 1984 puis officier en 1996. Il est fait membre de l’Ordre des francophones
d’Amérique en 1999.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
18 novembre 2003

Membres du jury :
Roland Arpin (président)
Jean-Claude Boulanger
Fernand Harvey
Arlette Pilote

Crédit photo :
  • Marc-André Grenier
Texte :
  • Gaëtan Lemay