Serge Giguère, lauréate

Naissance le 26 août 1946 à Arthabaska, décès le à 

Entrevue

Lire la vidéo sur Entrevue

Biographie

Si « c’est le visage qui fait l’âme du personnage », comme il est dit en amorce du documentaire Le mystère MacPherson, pour Serge Giguère, c’est le personnage qui fait l’âme de ses films. Car le cinéaste confère à chaque être humain qu’il révèle à travers sa caméra, avec respect et admiration, le pouvoir d’insuffler une personnalité à ses œuvres, dont il demeure néanmoins le créateur. S’inscrivant dans la tradition du cinéma direct, sa riche cinématographie, reliée par le fil conducteur de la culture populaire et de l’identité québécoise, est le fruit d’un véritable talent de portraitiste et d’une maîtrise exceptionnelle de l’image qui font de Serge Giguère l’un des plus grands artisans du documentaire québécois des dernières décennies.

Lorsqu’on demande au cinéaste ce que représente pour lui la réception du prix Albert-Tessier 2021, il répond d’abord avec humilité en être surpris, puis il ajoute aussitôt : « C’est un honneur. On peut dire que, si ma mère était encore là, elle serait fière de son petit gars! » s’esclaffe-t-il.

Serge Giguère débute dans le cinéma à la fin des années 1960 comme assistant-caméraman pour des films de fiction, avant de côtoyer et d’assister les grands du documentaire de l’époque, comme Pierre Perrault dont l’approche artistique inspirera la démarche créatrice du futur réalisateur. « À notre insu, on veut toujours ressembler aux personnes qu’on admire », mentionne-t-il. Le cinéaste apprend également au cours de cette période les rudiments de la direction photo. Pas moins d’une soixantaine de films et de nombreux réalisateurs auront bénéficié de son savoir-faire à la caméra, qu’il met d’abord et avant tout au service de l’œuvre.

Parallèlement à son métier de caméraman, Serge Giguère développe ses talents de réalisateur. En 1974, il cofonde Les Films d’aventures sociales du Québec et coréalise ses trois premiers films, dont le documentaire Belle famille (1978), tourné sur une période de six années. Déjà s’y trouvent les ingrédients fondamentaux de ce que deviendra le cinéma de Serge Giguère, façonné par l’amour des personnes auxquelles le documentariste donne la parole et une volonté patiente de saisir à leur contact des instants d’authenticité.

En 1984, Serge Giguère cocrée avec Sylvie Van Brabant Les Productions du Rapide-Blanc, vouées à la production de films d’auteur et de documentaires à portée sociale. Il y réalise notamment le film Oscar Thiffault (1987), qui marquera ses véritables débuts en tant que documentariste. Viendront ensuite Le roi du drum (1991), sur l’excentrique batteur Guy Nadon, puis 9, Saint-Augustin (1995), qui propose un voyage dans l’imaginaire d’un prêtre-ouvrier. Au fil de ces documentaires, le style du cinéaste s’affine et se cristallise. Le réalisateur tisse ainsi une cinématographie originale, intimiste et empreinte d’humanisme qui s’inscrit désormais dans l’histoire culturelle du Québec.

Cette fascinante cinématographie comprend également Le reel du mégaphone (1999), un portrait du syndicaliste et musicien Gilles Garand, et Suzor-Coté (2001), tout premier film consacré au célèbre artiste. « Je suis choyé d’avoir pu accéder à l’univers de personnages capables de témoigner de leur bagage culturel. Mes films servent à faire résonner leur histoire », explique le documentariste.

Avec les documentaires À force de rêves (2006) et Le mystère MacPherson (2014), Serge Giguère est au sommet de son art. Acclamés et récompensés, ces deux films permettent au cinéaste d’obtenir une plus vaste reconnaissance. Également très sensible aux enjeux de son époque, Serge Giguère proposera dans Le Nord au cœur (2012) le portrait du géographe, linguiste et ardent défenseur des peuples autochtones Louis-Edmond Hamelin. Sa plus récente offrande, Les lettres de ma mère (2018), suscite en outre l’admiration tant de la critique que du public pour sa maîtrise de l’art documentaire et son habileté à le renouveler.

En 2021, Serge Giguère dit aimer toujours autant les défis. Son actuel projet de documentaire en est d’ailleurs un de taille : créer un film avec des images et des textes accumulés sur une quarantaine d’années par lui à la caméra et un ami réalisateur, aujourd’hui décédé. « J’ai hâte de renouer avec les moments d’émerveillement devant le matériel tourné et d’y ajouter d’autres tournages pour actualiser ces “archives” », confie-t-il.

À titre de réalisateur ou de directeur photo, Serge Giguère œuvre avec passion depuis plus de 50 ans à ériger une cinématographie personnelle autour d’êtres inoubliables. Grâce à son travail soutenu et attentif, le cinéma québécois s’est enrichi de films attachants et vrais.

Information complémentaire

Membres du jury :

  • Francesca Chamberland
  • Denis Chouinard
  • François Lévesque
  • Ginette Petit
  • Nicolas Poteet
Crédit photo :
  • Éric Labonté
Crédit vidéo :
  • Réalisation, production et postproduction : Luis Dion-Dussault
  • Images supplémentaires : Productions Cina
  • Prise de son : Thomas Kieller
  • Musique originale : Steve Adams
  • Entrevues : Caroline Godin