Tahani Rached, lauréate

Naissance le 16 mai 1947 à Le Caire (Égypte), décès le à 
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Biographie

À 18 ans, c’est une jeune Tahani Rached qui quitte Le Caire et arrive en sol québécois. À l’aube des années 1970, le Québec est en proie à bien des bouleversements, qui ne laissent pas la Libano-Égyptienne indifférente. Elle choisit les arts visuels comme champ d’études à l’École des beaux-arts afin de s’exprimer à travers eux.

Engagée socialement, elle côtoie notamment des membres du Newsreel Collective, un groupe de cinéastes new-yorkais qui cherchent alors une personne pouvant les renseigner au sujet du mouvement ouvrier au Québec. Elle jouera pour eux le rôle de guide. Puis, l’un des artistes devant s’absenter, la militante le remplace au pied levé, devenant ainsi coréalisatrice, avec Larry Mead, de son premier film, Pour faire changement. S’ensuit pour elle une révélation : elle sera documentariste!

Au début de sa carrière, elle rencontre des acteurs phares du milieu cinématographique québécois. Après la coréalisation d’un projet au sujet de la résistance anticoloniale de l’Angola, elle s’intéresse aux employés d’une aluminerie, ce qui lui permet de fraterniser, à l’Office national du film (ONF), avec Roger Frappier. Ce dernier y donne des ateliers sur l’intervention sociale, lesquels font émerger chez Tahani Rached l’idée de sa prochaine production : Voleurs de job, qui s’attarde à la réalité des travailleurs immigrants. Emballé par son travail, Denys Arcand la choisit pour réaliser une séquence du fameux long métrage Le confort et l’indifférence, conçu dans la foulée du référendum de 1980.

Tahani Rached commence en 1981 son engagement auprès de l’ONF, où elle travaillera durant 22 ans. Une multitude de sujets la captivent pendant ces 2 décennies : la montée de l’isolement à travers l’avènement des baladeurs dans La phonie furieuse (1982); les Haïtiens de la métropole dans Haïti (Québec) (1985); l’héritage laissé par Duvalier dans Bam Pay A! – Rends-moi mon pays! (1986) et Haïti, Nous là! Nou la! (1987); ou encore la communauté qui gravite autour d’un organisme communautaire du quartier Hochelaga-Maisonneuve dans Au Chic Resto Pop (1990).

Ce dernier long métrage, par son propos et son format, marque l’imaginaire et passe à l’histoire en tant qu’œuvre phare de la documentariste. À travers lui, elle actualise le cinéma direct légué par ses prédécesseurs et y jouxte le chant, créant un film résolument unique. Ainsi, elle montre toutes les couleurs qui émanent du milieu certes pauvre, mais surtout joyeux de l’est de Montréal et rappelle son propre héritage égyptien : au Caire, la comédie musicale était encore très populaire quelques décennies plus tôt.

Pendant ses années à l’ONF, Tahani Rached traverse l’océan afin d’aller à la rencontre d’autres personnes marginalisées. Avec Quatre femmes d’Égypte (1997), la réalisatrice met en lumière l’amitié née entre des prisonnières lors de leur incarcération. Elle est aussi derrière Ces filles-là (2006), un film coup de poing dans lequel des laissées pour compte égyptiennes se confient. Cette année-là, son film est présenté au Festival de Cannes en sélection officielle, hors compétition, au Festival international du film de Toronto ainsi qu’au Festival du film de New York et remporte pas moins de 7 prix internationaux.

Ceci est loin d’être l’unique long métrage récompensé de la réalisatrice québécoise. Giran (2010), Soraïde, une femme de Palestine (2004), Quatre femmes d’Égypte (1997), Médecins de cœur (1993) et Au Chic Resto Pop (1990) ont aussi remporté des prix. Aujourd’hui, « c’est un honneur que de me retrouver en compagnie de réalisateurs et réalisatrices formidables qui ont déjà obtenu le prix Albert-Tessier », souligne-t-elle.

La cinéaste est maintes fois saluée, notamment à travers 2 rétrospectives (au Hot Docs Film Festival de Toronto en 2010 et à La cinémathèque québécoise en 2018) et lors d’un hommage rendu au Festival de cinéma d’Ismalia, en Égypte, en 2013. « Ce qui me rend la plus heureuse et fière, c’est le fait que mes films continuent d’être vus, 30 ans après. Durer est difficile! », ajoute-t-elle.

Tahani Rached est une figure incontournable du documentaire, au Québec comme à l’étranger. Ses films, à la fois empathiques, engagés et mobilisateurs, marquent durablement les esprits. D’une œuvre à l’autre, la documentariste a conquis le public et gagné le respect de ses pairs. Que ce soit grâce à la pellicule ou à la vidéo, sa cinématographie, souvent à l’avant-garde, demeure actuelle et tout aussi pertinente.

Information complémentaire

Membres du jury :

  • Guilhem Caillard (président)
  • Sophie Bissonnette
  • Éric Fourlanty
  • Diane Obomsawin
Crédit photo :
  • Randa Shaath (retouches par Joanie Fillion)