Chacun des multiples personnages qu’il incarne le transcende et l’habite à un point tel que son auditoire conquis s’y laisse prendre chaque fois : Rémy Girard joue comme d’autres respirent, avec une déconcertante facilité et une étonnante véracité. Son nom est gage de succès assuré, tandis que son visage sympathique, familier à une vaste majorité, est apprécié d’emblée lors de ses apparitions. Partie intégrante du quotidien de la population québécoise depuis plus de 45 ans par l’entremise des planches et du petit écran, reconnu internationalement pour ses rôles également emblématiques au grand écran, il représente l’interprète par excellence.
C’est à la Faculté de droit de l’Université Laval que le fils du journaliste et homme politique Fernand Girard commence ses études. Parallèlement, il y intègre la troupe de théâtre Les Treize dans laquelle il peut laisser libre cours à sa passion première, le jeu, et développer, entre autres talents, celui pour l’improvisation.
« Après 2 ans et demi de droit, j’ai commencé à jouer au Trident et là, j’ai compris que je ne serais pas avocat. Alors, j’ai abandonné le droit au grand dam de mon père, mais, quand il a vu que je recommençais 3 ans d’études en théâtre, il s’est dit “Oh, il est sérieux!” », relate le diplômé du Conservatoire d’art dramatique de Québec.
Pendant sa formation, il fortifie ses aptitudes scéniques, notamment dans La Mort d’un commis voyageur (Théâtre du Trident, 1972). Au cours de cette période, il cofonde le Théâtre Parminou (1973), puis le Théâtre du Vieux-Québec, dont il a été directeur pendant 5 ans et où il collabore à la mise en scène de diverses productions.
Son activité sur les planches se poursuit à Montréal au début des années 1980. La Compagnie Jean-Duceppe, le Théâtre du Rideau Vert et, surtout, le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) sont autant de lieux culturels qui brillent par la virtuosité de son jeu. Mise à profit dans des pièces de répertoires variés, celle-ci lui permet de se faire rapidement une place de choix et un nom prisé dans le paysage théâtral québécois, mais également au petit et au grand écran.
Après quelques apparitions dans des films dont Les Beaux souvenirs (1981) de Francis Mankiewicz, il marque toute une génération et l’histoire du cinéma québécois avec Le déclin de l’empire américain de Denys Arcand en 1986, acclamé tant nationalement qu’internationalement. Son personnage de Rémy – ça ne s’invente pas! –, professeur d’histoire, intellectuel et bourgeois, demeure l’un des plus emblématiques de sa carrière.
Par la suite, les rôles qu’on lui confie s’enchaînent. Que ses personnages soient dramatiques ou comiques, il parvient à insuffler à chacun profondeur et authenticité. Alors qu’il continue de fouler les planches avec La Trilogie des Brassard (Théâtre d’Aujourd’hui, 1991) et Le Voyage du couronnement (TNM, 1995), il crève l’écran dans Séraphin : un homme et son péché (2002) et, surtout, dans Les invasions barbares (2003), la suite du film Le déclin de l’empire américain où il reprend le fameux rôle de Rémy. Sa performance est de nouveau saluée, entraînant du même coup une visibilité internationale ainsi qu’une rencontre avec Steven Spielberg. De son incursion américaine, on retient également une apparition dans la comédie hollywoodienne Blades of Glory, en 2007.
« Je n’aurais jamais pensé, quand j’ai fait l’école de théâtre, que ma carrière se passerait presque uniquement au cinéma. Je pensais que je ferais surtout du théâtre ou de la télévision, mais finalement, je suis devenu un acteur de cinéma. Et j’en suis très fier, car je ne me sens jamais aussi à l’aise que sur un plateau », admet-il.
La concrétisation télévisuelle de sa carrière s’opère dans de populaires séries québécoises dont Emma (2000-2003), Bunker, le cirque (2001) et La Petite Vie (1993-1998). Mais c’est avec Les Boys (1997-2002) et Les Bougon, c’est aussi ça la vie (2003-2006) qu’il conquiert un plus large public et marque durablement son auditoire. De la versatilité de l’acteur, on garde en mémoire un jeu plus sombre dans District 31 (2020-2022) ou la minisérie historique autochtone Bones of Crows (2023).
Son talent apparemment inné pour incarner des humains dans toute leur vérité, à la fois complexes et attachants, s’approprier des textes classiques ou rendre justice à des créations populaires fait de lui un comédien accessible à qui l’on peut s’identifier.
Animateur, producteur, chanteur, acteur à la double carrière québécoise et canadienne anglophone et ayant joué dans le plus grand nombre de films québécois, interprète de plus d’une quarantaine de personnages au théâtre et récipiendaire de nombreux hommages, prix et distinctions : Rémy Girard ne s’essouffle jamais devant les nombreuses occasions qui lui sont offertes et cumule les records.
« Je pense que j’ai le record au Canada de prix pour le cinéma, mais cette reconnaissance-là de mon gouvernement, c’est vraiment quelque chose qui m’a touché profondément », confie-t-il, la voix pleine d’émotion.