Myriam Denov

Myriam Denov est une figure majeure dans le domaine du travail social, reconnue pour ses recherches révolutionnaires sur les enfants et les familles touchés par la guerre. Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enfants, les familles et les conflits armés, elle dirige des équipes multidisciplinaires Sud-Nord afin de relever les défis posés par les enfants soldats, les filles dans les groupes armés, et les migrations forcées. Professeure à l’Université McGill et membre de la Société royale du Canada, elle est une référence mondiale sur ces questions.

« Recevoir ce Prix du Québec est bien plus qu’une reconnaissance personnelle. Je le partage avec mes partenaires de recherche engagés au Sierra Leone, en Ouganda, au Rwanda, et c’est un hommage aux familles et aux enfants remarquables et courageux touchés par la guerre. Il met en lumière l’importance de donner une voix aux enfants touchés par les conflits », dit-elle en écho à son engagement continu.

Myriam Denov a mené des recherches majeures tout au long de sa carrière, apportant des contributions durables dans le domaine du travail social. Après avoir obtenu son baccalauréat à l’Université McGill, elle a poursuivi des études avancées en criminologie à l’Université d’Ottawa et à l’Université de Cambridge. Ses travaux se concentrent sur les enfants vivant dans des zones de conflit.

Elle a sensibilisé les gouvernements et les organisations internationales, dont l’ONU, aux violations des droits des enfants dans les conflits armés. En redéfinissant la perception des enfants soldats, elle a démontré qu’ils ne sont pas uniquement des victimes passives, mais qu’ils possèdent des stratégies de résistance malgré les conditions extrêmes. Ses recherches ont influencé des politiques internationales, notamment lors de sa collaboration avec le ministère de la Défense nationale du Canada.

Mme Denov a aussi mis en lumière le rôle des filles dans les conflits armés, montrant que leur contribution est cruciale au sein des groupes militaires. Même si les filles sont marginalisées dans les programmes de réhabilitation, ses travaux ont contribué à les inclure dans les politiques de reconstruction d’après-guerre.

Elle s’est également distinguée par ses recherches pionnières sur les enfants nés de viols en temps de guerre. En révélant les défis uniques auxquels ces enfants font face, que ce soit la violence, la stigmatisation ou la marginalisation, elle a influencé les initiatives internationales pour prévenir les violences sexuelles dans les conflits.

Ses approches innovantes, comme l’utilisation de méthodes artistiques pour sensibiliser et autonomiser les jeunes affectés par la guerre, ont changé la manière dont les chercheuses et chercheurs et les praticiennes et praticiens travaillent avec les enfants victimes de conflits. Grâce à des initiatives telles que la fondation du Global Child McGill, Myriam Denov a réussi à améliorer les politiques concernant les enfants réfugiés de guerre au Québec et au-delà.

« Dès le début de ma carrière scientifique, j’ai réalisé que des méthodes novatrices étaient nécessaires pour étudier les enfants touchés par la guerre. J’ai ainsi formé des jeunes à devenir des cochercheurs, les intégrant pleinement dans la collecte et l’analyse des données. » C’est dans cette démarche participative, donnant la voix aux enfants eux-mêmes, qu’elle trouve sa plus grande fierté.

Myriam Denov considère toutefois qu’il reste encore beaucoup à accomplir. Avec plus de 450 millions d’enfants vivant dans des zones de conflit, elle reste déterminée à poursuivre ses efforts pour protéger ces populations vulnérables. Elle l’explique ainsi : « mon travail continuera de tenter de défendre les intérêts des enfants affectés par la guerre, à travers la réalisation de projets scientifiques. Il reste tant à faire pour alléger le fardeau de ces enfants, victimes des stratégies violentes des belligérants. »

Robert J. Vallerand

Reconnu pour ses contributions révolutionnaires, qui ont transformé la compréhension de la motivation humaine et du bien-être, Robert J. Vallerand est une figure emblématique de la psychologie. Professeur titulaire au Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les processus motivationnels et le fonctionnement optimal, il a repoussé les frontières du savoir grâce à des théories novatrices. Ses recherches sur la passion et la motivation ont eu des effets considérables, faisant avancer la psychologie moderne et influençant de nombreux domaines pratiques, tels que l’éducation, le sport, le travail et la santé mentale.

Pour lui, recevoir un Prix du Québec représente non seulement une reconnaissance personnelle, mais aussi un hommage à ses collaborateurs. « Ce prix représente une appréciation positive pour le travail accompli et un encouragement à poursuivre le travail entamé. Je ressens de la fierté pour moi-même, mais aussi pour mon université, mes collègues et étudiants actuels et anciens, ainsi que pour ma discipline, la psychologie. Je suis très reconnaissant envers ceux qui m’ont soutenu et ceux qui ont ouvert le chemin avant moi. »

Robert J. Vallerand a commencé sa carrière universitaire par une solide formation en psychologie sociale du sport et de la santé, comprenant un doctorat à l’Université de Montréal et des études postdoctorales en psychologie sociale expérimentale à l’Université de Waterloo. Ses recherches initiales sur la motivation intrinsèque et extrinsèque ont culminé dans le Modèle hiérarchique de la motivation. Cette théorie, qui évalue différents niveaux hiérarchiques de motivation, a révélé l’importance de la qualité de la motivation, et non uniquement son intensité, pour le bien-être psychologique, entre autres. Cette perspective a été validée par de nombreuses études et a trouvé des applications pratiques dans divers domaines, y compris la prévention des comportements à risque et la promotion de la santé mentale.

Son Modèle Dualiste de la Passion, présenté en 2003, a marqué une avancée majeure en ouvrant un nouveau champ d’étude scientifique sur la passion, qui distingue la passion harmonieuse de la passion obsessive. Cette théorie, qui explore les effets positifs et négatifs des deux types de passion, a été un tournant pour la compréhension de la motivation humaine. À ce sujet, son livre The Psychology of Passion: A Dualistic Model a reçu le prestigieux prix William James de l’American Psychological Association, qui souligne l’impact considérable de ses recherches.

Les contributions de Robert J. Vallerand vont au-delà de ses théories. En tant que président de l’International Positive Psychology Association, il a joué un rôle clé dans la promotion de la psychologie positive à l’échelle mondiale. Ses efforts ont contribué à une meilleure compréhension du bien-être et du bonheur dans divers contextes, influençant des communautés et organisations à travers le monde. Avec 12 ouvrages et plus de 450 articles et chapitres scientifiques, il est le psychologue social le plus cité au Canada et l’un des plus cités au monde (plus de 110 000 citations) : son influence est immense.

« L’accomplissement dont je suis le plus fier est d’avoir eu un impact global sur ma discipline. Ceci a été atteint à travers ma contribution en tant que directeur de départements et président de diverses associations scientifiques, celle de formateur de futures générations de professeurs universitaires et l’impact scientifique et appliqué de mes théories sur les processus motivationnels. J’ose espérer que cette contribution globale aura permis de faire progresser la psychologie de manière durable. »

Robert J. Vallerand a réalisé des avancées essentielles dans le domaine de la psychologie, mais il lui reste des objectifs à atteindre. « J’avais un idéal initial de contribuer à faire progresser mon champ de recherche et de le laisser un peu plus complet qu’à mon arrivée. Bien que j’aie accompli une partie de cet idéal, il reste encore beaucoup à faire. C’est notamment le cas en ce qui concerne le raffinement de nos modèles théoriques, menant ainsi à une meilleure compréhension du fonctionnement optimal humain, ainsi que la poursuite de la formation de futurs professeurs universitaires. » Il continue donc à œuvrer avec passion et détermination pour enrichir le champ de la psychologie et préparer les futures générations de chercheuses et chercheurs.

René Doyon

René Doyon est une figure emblématique de l’astrophysique moderne, et ses recherches ont révolutionné l’exploration des exoplanètes et l’observation de l’univers. Il repousse les frontières de la recherche en développant des instruments d’observation de pointe, permettant de détecter les planètes situées au-delà de notre système solaire et d’analyser leur atmosphère. Il est reconnu mondialement pour ses innovations dans l’imagerie à haut contraste et la détection d’atmosphères d’exoplanètes, rapprochant l’humanité de la découverte de signes de vie extraterrestre.

 « Je suis extrêmement honoré de cette distinction prestigieuse. Je ne peux m’empêcher de penser que ce prix n’est pas que le mien, mais celui de toute mon équipe d’étudiants et de chercheurs à qui je dois en très grande partie mes réalisations. Je ne suis que le maestro d’un orchestre scientifique très bien accordé! »

Titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise en physique de l’Université de Montréal, ainsi que d’un doctorat en astrophysique de l’Imperial College à Londres, René Doyon a occupé plusieurs postes universitaires et est professeur titulaire à l’Université de Montréal depuis 2013. Son influence apparaît dans la formation de nombreux étudiants et étudiantes en astrophysique. Il a également contribué à élargir les perspectives de recherche grâce à ses observations au moyen de la technologie infrarouge.

L’une de ses percées majeures est le développement de la caméra Trident, spécialisée dans la détection de naines brunes riches en méthane, ouvrant la voie à l’observation de planètes auparavant invisibles. En 2008, il a coréalisé la première photographie d’un système planétaire multiple par imagerie directe à haut contraste, une première mondiale et un tournant dans l’astronomie.

Il a également joué un rôle central dans la mission du télescope spatial James Webb, pour lequel il a dirigé le développement de deux instruments clés : la caméra de guidage de précision et le spectrographe NIRISS. Ces outils ont favorisé des avancées spectaculaires dans l’observation de l’univers. Ses contributions lui ont valu la médaille de la NASA pour service exceptionnel en 2023.

Sommité en exoplanétologie, René Doyon est à l’avant-garde de projets d’instrumentation pour grands observatoires terrestres et spatiaux. Il a codéveloppé le spectrographe SPIRou au télescope Canada-France-Hawaï, spécialisé dans la détection d’exoplanètes autour d’étoiles de faible masse. En 2022, il a supervisé l’installation du spectographe NIRPS à l’Observatoire européen austral, promettant des découvertes dans l’exploration des exoplanètes. Il dirige également la participation canadienne au projet ANDES, un spectrographe à haute résolution du télescope de 39 mètres capable de détecter des biosignatures dans les atmosphères d’exoplanètes proches, comme Proxima b.

« Je suis particulièrement fier d’avoir [lancé] le programme de recherche sur le développement de nouvelles techniques d’imagerie qui a culminé, environ dix ans plus tard, en 2008, avec la première découverte d’une image d’un système d’exoplanètes menée par un de mes étudiants, impliquant aussi un autre de mes étudiants », confie-t-il.

René Doyon est le seul chercheur à avoir reçu deux fois le prix de Scientifique de l’année de Radio-Canada, en 2008 et en 2023. Au cours de sa carrière, il a obtenu près de 50 millions de dollars en subventions et financements, ce qui montre la confiance de la communauté scientifique dans ses capacités à repousser les limites de notre connaissance. Il est aussi un communicateur prolifique, faisant régulièrement part de son expertise dans les médias et lors de nombreuses conférences. Ses travaux ont fait l’objet de différents reportages, renforçant son influence non seulement dans la communauté scientifique, mais aussi auprès du grand public.

Sous sa direction, l’Observatoire du Mont-Mégantic est devenu un centre majeur de l’astrophysique expérimentale au Canada. Il a également fondé l’Institut Trottier pour la recherche sur les exoplanètes. Les techniques développées par René Doyon sont aujourd’hui utilisées par des astronomes du monde entier pour caractériser les systèmes exoplanétaires.

Membre de la Société royale du Canada depuis 2020, René Doyon non seulement a fait progresser l’astrophysique, mais a contribué à former une nouvelle génération d’astronomes. Sa carrière est à l’image de son engagement à l’égard de l’excellence scientifique et de l’innovation, et ses contributions continueront d’influencer durablement la recherche astrophysique mondiale.

Et ce n’est pas terminé! « Je suis un grand rêveur! Une fois l’un réalisé, je passe à un autre! Après les images d’exoplanètes, je rêve maintenant de participer à la découverte d’une atmosphère sur une planète tempérée avec le télescope Webb, un grand pas vers la recherche de la vie ailleurs, mon obsession professionnelle. Ce grand rêve ne peut se réaliser que par un travail d’équipe, ce que j’affectionne particulièrement. C’est la raison fondamentale qui m’a motivé à créer un institut de recherche (l’IREx) entièrement [consacré] à l’étude des nouveaux mondes. »

Anne-Marie Mes-Masson

Anne-Marie Mes-Masson, professeure titulaire au Département de médecine de l’Université de Montréal et chercheuse renommée en cancérologie, incarne l’excellence dans le domaine de la recherche scientifique au Québec. Ses travaux ont profondément influencé la science de la santé, notamment en ce qui concerne les mécanismes sous-jacents au cancer et les biobanques. Son engagement va au-delà de ses recherches, car elle a aussi joué un rôle clé dans la formation des générations futures de scientifiques, en particulier les femmes. Auteure de plus de 300 publications, elle a marqué de son empreinte la recherche oncologique mondiale.

« J’accepte ce Prix du Québec en mon nom, mais je tiens à reconnaître tous ceux qui ont contribué à notre programme de recherche au fil des années. Cette distinction confirme ma conviction que la science avance de manière plus significative lorsqu’elle est abordée de façon collaborative, et que le leadership est crucial pour progresser dans ce cadre. J’espère servir de modèle pour la prochaine génération de scientifiques, et particulièrement pour les femmes dans le domaine de la recherche, qui ont énormément à apporter aux découvertes scientifiques. »

Le parcours d’Anne-Marie Mes-Masson est jalonné d’initiatives marquantes qui ont laissé un effet durable sur la recherche en cancérologie. Dès ses études doctorales à l’Université McGill, elle s’est intéressée aux virus oncogéniques, ce qui a façonné sa future carrière. En tant que postdoctorante à l’Université de Californie à Los Angeles, elle a été la première à cloner le transcrit complet de la protéine BCR-ABL, ce qui a ouvert la voie à de nouvelles avancées dans la compréhension de la leucémie myéloïde chronique.

De retour au Québec en 1989, Anne-Marie Mes-Masson a intégré l’Institut du cancer de Montréal et le Département de médecine de l’Université de Montréal, où elle a joué un rôle pionnier dans le développement de biobanques de matériels biologiques issus de patients atteints de cancer. Ces biobanques ont révolutionné la recherche en fournissant des échantillons cruciaux pour le diagnostic et le traitement du cancer.

En 2009, elle a lancé le programme CŒUR, un projet pancanadien consacré à la recherche sur le cancer de l’ovaire. Cette initiative, soutenue par l’Institut de recherche Terry Fox, a permis à plus de 40 équipes de recherche d’accéder à des ressources essentielles pour faire progresser leurs études. Ses contributions ont également été marquantes au sein du Réseau des centres d’oncologie du Marathon de l’espoir, qu’elle co-dirige encore aujourd’hui.

Tout au long de sa carrière, Anne-Marie Mes-Masson a été un pilier du Réseau de recherche sur le cancer du Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS). Pendant 20 ans, elle a dirigé ce réseau, qui regroupe plus de 700 chercheuses et chercheurs, et étudiantes et étudiants, contribuant ainsi à l’évolution de la recherche fondamentale, translationnelle, clinique et populationnelle.

Lorsqu’on lui demande l’accomplissement dont elle est la plus fière, Anne-Marie Mes-Masson explique : « Bien que mon laboratoire ait réalisé plusieurs découvertes en recherche fondamentale liées au cancer, je suis particulièrement fière de l’approche collaborative que j’ai favorisée tout au long de ma carrière. Cette approche a permis à la communauté scientifique d’avancer plus rapidement en matière de découverte. Les projets d’envergure tels que l’initiative CŒUR, une étude pancanadienne centrée sur les biomarqueurs dans le cancer de l’ovaire et celui du Réseau des centres d’oncologie du Marathon de l’espoir sont deux exemples de recherche fondamentale et translationnelle qui transforment notre compréhension du cancer et modifient la manière dont ces nouvelles connaissances peuvent être intégrées dans les soins cliniques. »

Anne-Marie Mes-Masson estime qu’il reste encore beaucoup à faire dans son domaine : « À mon avis, un chercheur n’atteint jamais le but ultime de son travail, car chaque découverte ouvre de nouvelles avenues à explorer. Pour les chercheurs en oncologie, l’idéal sera atteint que lorsque tous les cancers seront soit prévenus, soit guéris. Il est évident que nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour y arriver. »

Mentore inspirante, elle est déterminée à transmettre son savoir et ses valeurs à la prochaine génération. « Mon héritage repose en grande partie sur les systèmes modèles que nous avons créés et continuons à partager avec la communauté. »

Avec sa passion inébranlable pour la recherche et son engagement pour l’avenir de la science, Anne-Marie Mes-Masson laisse un héritage impressionnant, non seulement par ses découvertes scientifiques, mais aussi par son dévouement à former la relève de la recherche en oncologie.

Noémie-Manuelle Dorval Courchesne

Professeure agrégée au Département de génie chimique de l’Université McGill et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les matériaux d’origine biologique, Noémie-Manuelle Dorval Courchesne est une figure de la relève scientifique. Native de l’Outaouais, elle a fait ses études en Ontario et au Massachusetts avant de s’installer à Montréal pour établir sa carrière indépendante en 2017. Lors de son parcours universitaire, elle s’est consacrée à la fusion du génie et de la biologie synthétique, visant à développer des matériaux fonctionnels d’origine biologique pour des applications plus écologiques. Sa motivation principale est le développement durable avec la conviction que les matériaux inspirés de la nature peuvent mener à des technologies propres et intégrées de manière harmonieuse à l’environnement.

« Recevoir le prix Hubert-Reeves représente une reconnaissance fantastique de mes travaux et de mes efforts pour bâtir un groupe de recherche créatif, multidisciplinaire et inclusif. C’est un honneur d’être reconnue par un prix qui porte le nom d’un scientifique passionné par la recherche, la protection de l’environnement et la vulgarisation scientifique. Ces thèmes me tiennent à cœur, et ce prix solidifie ma volonté de m’impliquer dans toutes ces facettes du milieu de la recherche. »

Noémie-Manuelle Dorval Courchesne consacre sa carrière à l’intersection du génie chimique et de la biologie synthétique, une combinaison qui lui permet de repousser les frontières de l’innovation dans les matériaux d’origine biologique. Dès le début de ses études universitaires, elle a plongé dans la recherche, travaillant dans des laboratoires de chimie et de génie biochimique et électrochimique. Cette expérience variée a été la base de ses travaux actuels, qui se concentrent sur trois principaux domaines : la bioélectronique, les bioplastiques et les tissus « intelligents » biodérivés.

Ses recherches sur les protéines qui s’autoassemblent ont contribué à la modification de fibres amyloïdes, dont la résistance mécanique est exceptionnelle, pour leur donner de nouvelles propriétés. Ces protéines sont extrêmement prometteuses pour la fabrication de matériaux avancés en raison de leur capacité à résister à divers environnements tout en étant génétiquement modifiables pour offrir de nouvelles fonctionnalités.

On note également, parmi ses réalisations marquantes, le développement de bioprocédés simples, rapides et peu coûteux pour créer des fibres protéiques. Ces fibres, produites par des bactéries inoffensives, peuvent être utilisées comme biopolymères pour fabriquer des pellicules biologiques, offrant une solution de rechange aux plastiques traditionnels. Ce procédé breveté a comblé un fossé entre la production de protéines en solution et leur utilisation pratique à grande échelle.

« Je suis particulièrement fière d’avoir contribué à la progression des matériaux fonctionnels faits à base de protéines. Les protéines sont traditionnellement employées dans des dispositifs microscopiques; mon équipe et moi avons comblé un fossé permettant la fabrication de matériaux solides ou semi-solides facilement manipulables à une échelle macroscopique. Ces matériaux protéiques pourraient servir [de solutions de rechange] à certains plastiques. »

En matière de bioélectronique, Noémie-Manuelle a lancé un projet d’évolution dirigée de fibres protéiques pour les rendre conductrices d’électricité, en s’inspirant de phénomènes naturels. Ce projet ambitieux implique la collaboration de biochimistes et de physiciennes et physiciens pour produire et isoler des protéines mutantes à haut débit, avec l’espoir de révolutionner le domaine de la bioélectronique.

Son engagement dans la recherche est également soutenu par une solide base de financement, comprenant une subvention de 1,8 M$ du Fonds des leaders John-R. Evans pour l’acquisition d’instruments spécialisés. Ces instruments facilitent la caractérisation avancée des matériaux biologiques, dont peut profiter la communauté scientifique de McGill et de Montréal.

Au-delà de ses contributions scientifiques, cette chercheuse de la relève est une fervente défenseuse de l’équité et de la diversité en génie. Elle sert de modèle pour les jeunes filles intéressées par les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, et travaille à intégrer des groupes sous-représentés dans ces disciplines. Son implication se traduit également par son rôle de défenseuse de l’égalité, par des participations à des formations et à des conférences pour promouvoir des perspectives pour les femmes en génie.

Et quant à l’avenir, elle souligne : « […] en recherche, il est toujours possible d’aller plus loin. De nouvelles questions surgissent constamment, et de nouveaux objectifs se créent. Dans mon laboratoire, nous avons développé plusieurs procédés innovants, mais il reste encore de nombreux domaines d’application à explorer et de nombreuses façons d’améliorer ces matériaux pour les rendre encore plus performants ou plus écologiques. »

Frantz Saintellemy

Frantz Saintellemy est un entrepreneur, technologue et philanthrope reconnu pour ses contributions majeures à l’innovation au Québec et à l’international. Il est président et chef de la direction de LeddarTech, une entreprise spécialisée dans les solutions logicielles d’intelligence artificielle pour l’aide à la conduite. En 2012, il a cofondé le Groupe 3737, l’un des plus grands centres d’innovation et de démarrage d’entreprises au Canada, qui soutient des entrepreneuses et entrepreneurs issus de la diversité culturelle. Avec plus de 25 ans d’expérience dans le secteur de l’électronique et de l’automobile, ses initiatives ont généré des retombées économiques importantes, créant de nombreux emplois à haute valeur ajoutée et favorisant l’innovation sociale.

Pour lui, recevoir ce prix est bien plus qu’une distinction personnelle : « Ce prix est une reconnaissance et un clin d’œil à tous ceux et celles qui ont cru en moi, notamment ma famille, mes amis proches, mes collaborateurs, mais aussi tous mes collègues. C’est un message d’espoir, pour les jeunes de quartiers marginalisés, qu’au Québec, il est possible d’aspirer aux plus grandes distinctions avec un peu d’audace et le soutien des bonnes personnes. Mais surtout, il ne faut pas avoir peur de prendre des risques et parfois d’échouer. Tant qu’on progresse, il est possible de réussir! »

Né en Haïti, Frantz Saintellemy est arrivé au Québec à l’âge de 7 ans. Il a toujours été animé par une curiosité profonde pour la technologie. Après avoir obtenu un baccalauréat en génie électronique et informatique à l’Université Northeastern, il a entamé sa carrière à Analog Devices dans le secteur des semi-conducteurs. Ses études en gestion à HEC Montréal, son postdoctorat en innovation au MIT-Sloan, ainsi que son MBA (McGill et HEC Montréal) lui ont permis d’acquérir des compétences variées, le conduisant à occuper des postes stratégiques à l’international, notamment la présidence de ZMDI en Allemagne. Lors de l’acquisition de cette entreprise par Integrated Device Technology (Nasda  : IDTI), il est devenu premier vice-président et directeur général de la division automobile et industrielle basée dans la Silicon Valley.

De retour au Québec, Frantz Saintellemy a pris les rênes de LeddarTech avec une mission claire : « Mon objectif est que LeddarTech devienne une entreprise de référence mondiale en matière de logiciels d’aide à la conduite. »

C’est peu après son retour qu’il a cofondé avec son épouse, Vickie Joseph, le Groupe 3737, un organisme à but non lucratif consacré au soutien des entrepreneuses et entrepreneurs issus de la diversité culturelle. Avec plus de 20 millions de dollars d’investissements privés, cet incubateur et accélérateur a accompagné plus de 3 500 entrepreneuses et entrepreneurs à travers le Canada, générant plus de 250 millions de dollars de revenus annuels et créant près de 2 000 emplois.

Frantz Saintellemy explique : « Nous croyons que la réussite vient avec une responsabilité : celle de réinvestir dans sa communauté. Nous le faisons en donnant notre temps, notre savoir et notre argent. Nous sommes le fruit d’investissements humains et financiers, et il est naturel pour nous de redonner ». Aujourd’hui, le Groupe 3737 est un modèle reconnu au Canada pour l’accompagnement des entrepreneuses et entrepreneurs sociaux et commerciaux, avec des retombées économiques dépassant 1,8 milliard de dollars.

En plus de ses rôles à LeddarTech et pour le Groupe 3737, il est chancelier et président du conseil d’administration de l’Université de Montréal depuis 2021 et soutient activement de nombreuses organisations caritatives et éducatives, telles que la Fondation Kanpé, Centraide, le Musée national des beaux-arts du Québec, la Maison d’Haïti, le BCHM, la Mission Old Brewery, le Fonds 1804 pour la persévérance scolaire et plusieurs autres organismes d’aide humanitaire.

« Ce dont je suis le plus fier, c’est d’avoir convaincu une communauté d’entrepreneurs de collaborer pour réussir ensemble à travers la création du Groupe 3737. C’est une initiative qui, dès sa fondation en mars 2012, a été entièrement financée par des fonds privés. Cela a permis à de nombreuses personnes de réaliser leurs projets et de transformer leurs rêves en réalités tangibles », confie Frantz Saintellemy avec humilité.

Quant à savoir si Frantz Saintellemy a réalisé tous ses rêves, il répond : « Pour la suite, mon objectif est de faire de LeddarTech la référence mondiale en matière de logiciels d’aide à la conduite. Mais mon plus grand souhait est de voir émerger le prochain Meta, Google ou Tesla d’un entrepreneur du Groupe 3737. Il reste encore tant de possibilités à explorer, et je crois fermement que nous sommes sur la bonne voie pour voir se réaliser des projets incroyables. »

Serge Filion

Si la carrière de Serge Filion est intrinsèquement liée à Québec, c’est bien sa vision de la ville à long terme et dans toute sa complexité qui a permis de diffuser l’expérience et le savoir-faire québécois en urbanisme.

Après ses études en géographie aux universités Laval et McGill et en urbanisme à l’Université de Montréal, Serge Filion devient, en 1969, directeur de la division de l’aménagement du territoire pour la Ville de Québec. Dès lors, son approche visionnaire, passionnée et engagée lui permet de se placer au cœur des grandes transformations urbaines. « Il n’y a pas de vision sans projet, mais surtout, pas de projet sans vision. Quand on commence à travailler comme urbaniste, si l’on ne sait pas où on va, on peut aller dans toutes les directions et, à la fin, on est toujours sur le même parquet », croit-il.

De 1996 à 2005, il occupe le poste de directeur de l’aménagement et de l’architecture à la Commission de la capitale nationale du Québec, avant d’œuvrer pour une année comme adjoint au président.

Doté d’une grande facilité à travailler de façon transdisciplinaire, de solides capacités de communicateur, notamment avec la sphère politique et les médias, et d’un regard tourné vers le monde, il chapeaute le projet de conversion du boulevard Champlain en promenade de front de mer. Une idée qui se révèle à lui durant ses voyages d’études, entre autres, à Vancouver, Boston et Barcelone. Trois phases plus tard, la Promenade Samuel-De Champlain est certainement l’un des attraits majeurs de Québec en mesure de rallier aussi bien les citoyennes et citoyens que les touristes.

Parmi les autres projets notables dont il est responsable et qui font état de son implication multiple, le parachèvement de la colline Parlementaire, l’aménagement de places et parcs publics ainsi que la requalification des portes d’entrée et des voies d’accès au cœur de la ville, sans oublier le plan vert et bleu de la capitale.

À la Ville de Québec, on lui doit également la conception du premier plan d’aménagement du territoire et du premier plan de zonage qui conduiront à l’implantation du quartier Lebourgneuf, la revitalisation du quartier Saint-Roch et le plan d’aménagement complet des berges des rivières Saint-Charles et du Berger, incluant le projet Kabir Kouba.

Régulièrement invité à l’étranger, Serge Filion favorise la diffusion de l’ingéniosité québécoise tout en enrichissant ses propres pratiques. Par exemple, sa collaboration avec l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal pour la mise sur pied d’une exposition itinérante sur l’œuvre d’Ildefonso Cerdà et le plan de Barcelone ou encore, son intervention comme panéliste au colloque international Les imaginaires urbains en recomposition, à l’Université de Lyon.

Parallèlement à ses activités professionnelles, il s’implique de manière bénévole, entre autres, en siégeant au conseil d’administration de l’Ordre des urbanistes du Québec de 1991 à 2017 et en le présidant pendant 7 ans. Sous son impulsion, la contribution de l’urbanisme aux réflexions sur les grands enjeux et au débat public est mise de l’avant et se dégage davantage dans les dossiers municipaux. Ainsi, il se positionne plusieurs fois en faveur du développement durable et du respect du sol en tant que ressource au Québec. Puis, en 1995, il lance les États généraux du paysage québécois, dont l’objectif est de sensibiliser à l’importance des paysages naturels et culturels dans le développement durable ainsi que de promouvoir une approche interdisciplinaire pour leur gestion. Cet événement mène à la création du Conseil québécois du paysage, puis à l’adoption de la Charte du paysage québécois.

Cette avancée de l’urbanisme à l’échelle sociétale passe sans contredit par la communication, domaine dans lequel il excelle. Pas étonnant alors qu’il enseigne à l’Université Laval et à l’Université de Montréal durant presque 20 ans comme chargé de cours et qu’il siège comme commissaire au Conseil du patrimoine du Québec.

« Une ville, ce n’est pas comme un tableau ou comme une maison pour un architecte et son client, c’est un projet de société. Donc, vous ne pouvez pas travailler ça dans votre alcôve, puis sortir le plan et penser que tout le monde va être d’accord sans consultations publiques. C’est ce que j’ai appris et qui m’a tenu occupé pendant plus de 40 ans, parce que l’urbanisme, c’est la science du temps long” », explique-t-il.

Aujourd’hui à la retraite, Serge Filion continue de mobiliser toutes les instances québécoises autour de la défense des patrimoines culturels et de l’environnement. Ses objectifs ? Encourager la création d’espaces urbains qui honorent le passé et la priorisation de la crise écologique dans les politiques urbaines à venir. « Il faut persévérer. Voilà ma principale motivation pour les prochaines années », confie l’urbaniste participant à un projet de santé durable pour la capitale avec un groupe de professionnels de l’aménagement et de la santé.

Françoise Armand

Renouveler notre vision politique et sociétale de la promotion du français : c’est le défi que la chercheuse en didactique du français langue seconde et professeure émérite, Françoise Armand, s’attelle à relever depuis les années 1980.

Alors orthopédagogue dans une école de Toulon (France), qui compte environ 90 % d’enfants arabophones, elle se retrouve face à une réalité peu envisagée dans toute sa complexité par les institutions et les politiques. Comment promouvoir l’enseignement du français en milieu pluriethnique et plurilingue, tout en favorisant la réussite à l’école et l’intégration sociale? Cette question se présente rapidement comme la pierre angulaire de sa carrière.

Peu après son arrivée au Québec en 1996, elle devient chargée d’enseignement à l’Université de Montréal. Son cheminement la conduit au titre de professeure titulaire au Département de didactique de la Faculté des sciences de l’éducation en 2006. Ce volet de l’enseignement occupe une part indissociable de la recherche qu’elle mène en parallèle.

En effet, les défis de l’apprentissage du français dans un contexte d’immigration et de diversité linguistique, en particulier en milieu scolaire, sont également un enjeu au Québec. La question de ses débuts se mue alors en une volonté concrète de soutenir les enseignantes et enseignants qui travaillent auprès des élèves allophones.

Pour ce faire, elle se concentre sur plusieurs thèmes, notamment la plurilittératie et le le plurilinguisme, et elle oriente ses recherches entre autres sur l’éveil aux langues ainsi que sur la lecture et l’écriture en langue seconde. Ces différents aspects énoncent les fondements d’un approfondissement et d’une meilleure compréhension des liens entre la maîtrise de la langue maternelle et l’apprentissage d’une langue de scolarisation.

Dès lors, ses travaux à portée sociale stimulent la promotion d’une attitude d’ouverture de la part du personnel scolaire face à la diversité linguistique. Par leurs profondes valeurs théorique et empirique, ils contribuent à mieux définir les conditions qui favorisent la maîtrise et l’usage du français chez les jeunes de l’immigration, ainsi qu’à leur mise en œuvre dans les centres de services scolaires (CSS) et les écoles.

Décloisonner la recherche et les milieux de pratiques est une caractéristique dominante de sa démarche. Pour cette raison, ses résultats sont diffusés sous forme d’articles scientifiques et professionnels, de rapports, de formations et, même, de projets de collaboration avec les CSS de la région de Montréal ainsi qu’avec le ministère de l’Éducation.

Par sa faculté à naviguer dans les différentes sphères du fonctionnement scolaire, elle inspire la rédaction de plusieurs politiques institutionnelles et gouvernementales en faveur de la diversité linguistique. « C’est pour moi une grande fierté d’avoir été quelqu’un de terrain dans les milieux scolaires, d’avoir pu arrimer la théorie et la pratique, grâce aux nombreuses opportunités qui m’ont été données de mettre en place des collaborations, des projets de recherche-action, d’accompagnements professionnels, de microprogrammes », évoque-t-elle.

Son apport se concrétise également à même les structures de formation de la nouvelle génération, puisqu’elle coordonne et offre des cours qui portent précisément sur les pratiques enseignantes du français aux élèves issus de l’immigration. Cette contribution significative se traduit par la mise en place d’outils éprouvés, comme le site Web ÉLODiL (Éveil au langage et ouverture à la diversité linguistique) qui rend accessible de nombreux ouvrages et vidéos pédagogiques. Chaque année, ce sont 350 nouveaux enseignants et enseignantes qui sont ainsi mieux formés pour assurer la promotion et l’amélioration de la qualité du français.

À ces chapeaux de chercheuse, enseignante et formatrice s’ajoute également celui de direction d’organisations clés, telles que le centre de recherche interuniversitaire Immigration et métropoles de Montréal, financé par Citoyenneté et Immigration Canada et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, ou encore la présidence de l’association internationale EDiLiC (Éducation et diversité linguistique et culturelle) de 2012 à 2017.

Parmi ses travaux les plus originaux et les plus récents, on peut citer l’écriture de textes identitaires plurilingues dans des classes d’accueil au secondaire pour des élèves en situation de grand retard scolaire, soutenue par des ateliers d’expression théâtrale plurilingues. Quant aux Albums plurilingues ÉLODiL, il s’agit d’une collection de 11 albums de littérature jeunesse écrits en français, puis traduits à l’écrit dans une trentaine de langues. Tous ont été enregistrés à l’audio en français. Parmi eux, 7 sont également enregistrés dans une vingtaine de langues, parmi lesquelles les principales langues de l’immigration et les 10 langues autochtones. Ils sont actuellement accessibles gratuitement dans toutes les bibliothèques scolaires du Québec (projet Biblius) et très souvent empruntés!

« Je me réjouis qu’aujourd’hui, au travers de ce prix, on reconnaisse que la valorisation du français peut aussi passer par la reconnaissance de la diversité linguistique », souligne-t-elle.

Une reconnaissance qui prouve qu’après tant d’années d’actions, sa volonté de faire du français une langue au service du maintien d’une éducation réellement inclusive continue de s’inscrire dans une démarche innovante, ludique et profondément humaine.

« Ce qui m’importe maintenant c’est de voir que la relève est assurée, et d’endosser un rôle plus discret, car c’est magnifique de voir ces questions portées par des voix plus jeunes et dynamiques ! », conclut-elle, le sourire dans la voix.

Raymond Montpetit

Entre les années 1970 et 2000, la muséologie québécoise connaît un essor exceptionnel, un renouveau qui doit beaucoup au dynamisme, à la conviction et à la passion de Raymond Montpetit. Chercheur, muséologue, directeur fondateur, auteur, professeur : la richesse de son parcours est à l’image de tout ce qu’il contribue à apporter à la culture québécoise.

L’élément déclencheur de sa vocation est l’exposition Terre des Hommes, en 1967. « Ça a été un choc pour moi. Cela m’a montré combien les musées étaient en retard comparés au genre d’expositions présentées dans les expositions universelles : celles-ci étaient thématiques et dynamiques, misant sur les technologies de communication », explique-t-il.

Dès 1974, par la conception et la réalisation d’expositions temporaires ou permanentes, Raymond Montpetit s’engage dans la diffusion du patrimoine auprès d’un large public. Qu’il expose la culture urbaine de Montréal avec Sports et divertissements populaires à Montréal au XIXe siècle (Bibliothèque nationale du Québec, 1976) ; un legs artistique méconnu avec Paul-Émile Borduas photographe : un regard sur Percé été 1938 (Le Chafaud, Percé, 1998) ; l’histoire du Québec avec Mémoires (Musée de la civilisation, 1988); ou la relation entre art et mémoire collective avec Je me souviens. Quand l’art imagine l’histoire (Musée national des beaux-arts du Québec, 2002); il exprime une vision novatrice qui inscrit la muséologie québécoise dans un courant moderne et accessible, respectueux et attractif pour les initiés comme pour le grand public.

Afin d’améliorer le fonctionnement professionnel des musées québécois, il joue un rôle majeur dans la mise en place du premier programme de maîtrise en muséologie au Québec en 1987, dont il est le directeur-fondateur et qu’il dirigera de nouveau de 1993 à 1999. Cette maîtrise vient combler les besoins criants de formations muséales et favoriser l’émergence de générations de muséologues sensibilisés aux défis désormais inhérents au domaine. Démocratisation, approches participatives, nouvelles technologies : Raymond Montpetit a pleinement conscience des vecteurs à privilégier pour renouveler, diffuser et optimiser l’accès aux différentes collections.

La notion de création se décline sous bien des aspects dans sa carrière. Sous forme d’expositions, bien sûr; mais rapidement, dans de nombreux projets de musées nouveaux dans lesquels il s’engage. Entre 1981 et 1983, il contribue à la conception du Centre d’histoire de Montréal, premier musée municipal inspiré des centres d’interprétation américains et, dès 1987, il définit les grandes lignes de ce qui deviendra Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal. En 2001, il dirige la création du nouveau musée régional La Pulperie de Chicoutimi qui se penche sur l’histoire et l’identité du Saguenay. Plus récemment, il rédige l’étude qui conduit à la création du Centre des mémoires montréalaises, inauguré en 2023.

Sa volonté de valoriser et d’interpréter le patrimoine le conduit à s’intéresser aux politiques du patrimoine, l’autre rôle décisif qu’il endosse au début des années 2000, dans la suite logique de sa démarche. En effet, comme membre du Groupe-conseil sur la Politique du patrimoine culturel du Québec qui rédige le rapport Notre patrimoine, un présent du passé, destiné au ministère de la Culture et des Communications, il défend 2 principes. Tout d’abord, il souhaite intégrer les concepts de paysages culturels patrimoniaux et de patrimoine immatériel à la Loi sur le patrimoine culturel, ce qui ouvre la voie à la célébration de la culture populaire ainsi qu’aux porteurs et porteuses de traditions et de savoir-faire. Il soutient ensuite la reconnaissance et l’appropriation collectives du patrimoine par les communautés. Ces 2 grandes orientations seront finalement incluses dans la Loi qui sera adoptée en 2012.

En 2005, il poursuit le chantier de formation entamé presque 20 ans auparavant en participant à la création du premier doctorat en muséologie, fondé en collaboration avec l’Université d’Avignon. Cette perspective internationale place le Québec comme chef de file de la recherche muséale au pays et accroît encore plus la notoriété de Raymond Montpetit au-delà des frontières.

Grâce au caractère novateur de ses réalisations, à l’aplomb de ses décisions et à sa volonté immuable de transmettre ses connaissances, Raymond Montpetit est l’un des muséologues québécois les plus lus et reconnus dans le monde. Il prend régulièrement part à de nombreux congrès et colloques en plus de compter à son actif plus de 100 conférences prononcées ici et à l’étranger. Ses textes sont largement diffusés dans la francophonie muséale et au-delà, certains ayant d’ailleurs été traduits en plusieurs langues. Beaucoup ont atteint le statut de références, comme Une logique d’exposition populaire : les images de la muséographie analogique publié en 1996 dans la revue Publics et Musées.

Nommé professeur émérite par l’Université du Québec à Montréal en 2014, Raymond Montpetit continue de participer à des projets de recherches et de publications. Il conserve toujours en tête son principal objectif de rendre accessible notre patrimoine par les musées et de placer le public au centre de l’exposition.

« Je vois ce prix comme une reconnaissance des immenses progrès qu’ont faits les musées québécois et des degrés de qualité qu’ils ont atteints aujourd’hui », résume-t-il.

 

François Cousineau

Figure incontournable de la scène musicale québécoise, François Cousineau lui apporte sa couleur toute personnelle depuis plus de 6 décennies. Tour à tour compositeur, pianiste, chef d’orchestre et arrangeur, ce créateur aux multiples talents a influencé la musique québécoise à bien des égards. Naviguant avec aisance à travers divers courants musicaux, il garde le cap sur l’importance de susciter l’émotion, conférant à ses créations un caractère intemporel et une consonance bien d’ici.

Ses premiers apprentissages musicaux remontent à l’enfance, alors qu’il commence à jouer du piano à 5 ans. Une formation atypique le conduit à obtenir un baccalauréat en piano à l’École de musique Vincent d’Indy en 1961, pour ensuite devenir membre du Barreau du Québec en 1966.

À la même période, sur un texte de Clémence DesRochers, il compose sa première chanson, La Robe de soie. Alors qu’elle le remarque dans une prestation improvisée au piano, Pauline Julien, convaincue de son énorme potentiel, l’engage pour sa tournée qui les mène, de 1962 à 1969, au Québec, en France et en Union soviétique.

Entre temps, François Cousineau crée la musique de pièces de théâtre et compose celle de la revue musicale féministe Les Girls. Lors d’une représentation, il fait la connaissance de Diane Dufresne, qui y tient un rôle, et de Luc Plamondon. Ensemble, ils transforment le paysage musical des années 1970 par le recours à des sonorités. rock, jazz et pop encore inédites à l’époque.

Ce « trio infernal » écrit ensemble 50 chansons et lance la carrière de la diva québécoise avec le disque Tiens-toé ben, j’arrive! (1972). François Cousineau y signe des œuvres élevées depuis au rang de classiques, à l’image du titre J’ai rencontré l’homme de ma vie. Outre cette mythique collaboration, il compose, joue et arrange les titres d’une foule d’interprètes aux genres musicaux variés, tels que Jean-Pierre Ferland, Renée Claude, Céline Dion, Fabienne Thibeault ou Maxime Le Forestier. Il crée en outre pour la trame sonore de 8 longs métrages, en plus de composer pour la radio et la télévision.

À la radio, il fait état de sa polyvalence en tant que chef d’orchestre, pianiste et arrangeur pour les émissions Place aux femmes (1968-1970) et Studio 11 (1971). À la télévision, il travaille en tant que compositeur et directeur musical pour de nombreuses émissions de Radio-Canada, dont Jeunesse oblige (1967), et s’illustre particulièrement aux côtés de Lise Payette dans le célèbre talk-show Appelez-moi Lise (1972-1975). Plusieurs centaines d’émissions du téléroman Marilyn (1992-1994), diffusé quotidiennement, se parent de sa musique, de même que les galas Bye bye et autres thèmes publicitaires radiophoniques et télédiffusés, lesquels se comptent par plusieurs centaines.

Ainsi, François Cousineau est reconnu comme l’un des pionniers des métiers de compositeur, d’arrangeur et de chef d’orchestre à la télévision québécoise. Pour beaucoup, il a également contribué à l’ouverture du Québec sur des œuvres et des styles d’ailleurs, jusque-là moins connus.

« Mon respect pour la musique me pousse à donner le maximum de moi-même dans la création, à travailler jusqu’à trouver une élégance, une mélodie, une texture originale, touchante pour chaque pièce. La vraie confirmation, [elle vient] des gens qui écoutent la musique; ce sont eux qui te donnent de la valeur », soutient celui qui aspire plus que tout à faire entendre sa musique et à susciter l’intérêt pour son art.

C’est probablement ce qui le pousse à composer en solo. En 1999, il sort un premier album de musique instrumentale. Malgré les défis de visibilité et de diffusion de ce type de production, cet opus s’écoule à 10 000 exemplaires. Puis paraissent Veux-tu que j’t’aime? (2000) et Clin d’œil à des amis (2003), dans lesquels il fait entendre sa voix.

Fervent défenseur du droit d’auteur, l’avocat de formation met sa pratique au service de la musique qu’il chérit. Président fondateur de la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC), membre fondateur de la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec et président de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) de 1994 à 1996, directeur des conseils d’administration depuis plus de 20 ans à la SOCAN et à la SODRAC : les fonctions qu’il occupe sont multiples et leurs effets, tangibles.

Depuis ses débuts, François Cousineau laisse sa marque partout où il se produit. Un prix éponyme créé en 2006 par la SOCAN récompense d’ailleurs une compositrice ou un compositeur de musique de chansons pour l’excellence de son travail. L’homme demeure toujours aussi passionné par les défis de création, ce qui s’est récemment traduit par 2 compilations numériques, Odyssée et Nuits blanches, ainsi que son album piano solo Mémoires, parus en 2022.

« On ne met pas fin à une carrière comme on met fin à la construction d’un édifice, d’un pont, ou à une série, un film, une chanson, explique l’intarissable créateur. Une carrière, ça se termine quand la mort arrive. Alors je ne mettrai pas fin à ma carrière de compositeur de mon vivant, parce qu’elle est là depuis ma jeunesse. »

 

François Morelli

L’approche artistique de François Morelli naît dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal. Entre les cultures italophone, francophone et anglophone, cet artiste multidisciplinaire se forge un attrait particulier pour la diversité de regards, qui évoluera plus tard en une diversité d’expressions, ses compétences allant du dessin à l’estampe, de la sculpture au tampon encreur.

Son baccalauréat en beaux-arts de l’Université Concordia, obtenu en 1975, est l’occasion pour lui de développer des stratégies conceptuelles : nourrir les pigeons, documenter les arbres par frottis ou faire l’interprétation de papiers à mouches. « Dès le début, l’important, c’était de trouver un sens, de trouver de quoi parler. Alors, je suis retourné à mon quotidien dans lequel je voulais m’assurer de trouver du contenu. Donc, les rencontres, les lieux, ce qui se passait dans le monde est devenu le contenu de mon travail, sur lequel je portais un regard affectif, politique, social, contestataire ou purement amoureux de la beauté, mais toujours lié à mon quotidien. »

En 1977 se tient à la galerie Rodrigue Le May, à Ottawa, sa toute première exposition professionnelle. S’ensuivent sa première exposition muséale au Musée national des beaux-arts du Québec, de multiples implications au Québec et sa participation à la création du centre d’artistes Articule, à Montréal. À la même période, il rejette les frontières rigides et les catégories traditionnelles qui définissent les disciplines artistiques pour appuyer leurs distinctions. Cette vision inédite le place dès lors comme l’ambassadeur de la multidisciplinarité au Québec. Si le dessin est l’art qu’il pratique le plus et qu’il enseigne très tôt dans son cheminement, il s’ouvre rapidement à d’autres formes et médias, tels que la sculpture, la peinture ou la photographie.

L’année 1981 est un moment charnière pour lui, car il commence à enseigner à l’Université du Québec à Chicoutimi. Puis, il choisit de s’expatrier à New York pour enrichir sa pratique de la performance. À l’Université Rutgers, au New Jersey, il continue l’enseignement et obtient une maîtrise en beaux-arts en 1983. « Durant toute ma carrière, j’ai toujours vu l’enseignement comme étant un moment créatif et aucunement quelque chose qui m’éloignait de ma pratique. »

Pendant 10 ans, il côtoie un milieu bouillonnant d’idées, solidifie sa pratique hybride et assoit les répercussions à la fois poétiques, politiques et sociales de ses productions. Alors qu’il est déjà inscrit dans une mouvance mondiale voulant que l’art se manifeste par la marche, il entreprend un cycle de 3 marches entre 1984 et 1987. La première, entreprise à la suite d’une invitation du symposium international de sculpture de Saint-Jean-Port-Joli, remonte l’itinéraire des premiers trappeurs le long de la rivière Hudson, à la manière d’un vaste projet identitaire. En 1985, la seconde, Marche transatlantique, s’opère du mur de Berlin jusqu’à Philadelphie et est commencée le jour de la commémoration du bombardement atomique d’Hiroshima. En 1987, la troisième, Cycle transculturel, constitue une étude sur la biologie, la sexualité et le corps, par le prisme du parcours identitaire et culturel de l’artiste qui, en traversant la France, l’Italie, Malte, la Tunisie, le Maroc et l’Espagne, en appelle à sa descendance italienne.

L’ensemble de son œuvre est aussi teinté d’un engagement politique et social, encourageant une réflexion active du public. En témoignent plusieurs de ses créations aux thèmes controversés : Forêt suspendue (1991), qui examine la problématique environnementale; Bain de soupe bain de sang (2003), qui formule un commentaire poignant sur l’invasion américaine en Irak; et Mari usque ad Mare / D’un trou d’eau à l’autre / Piss and Vinegar (7A*11D, 2018), qui exploite la symbolique complexe de l’eau pour tisser des liens entre les récits socio-économiques mondiaux et l’histoire coloniale.

À son retour au Québec, François Morelli poursuit l’élaboration de performances et d’installations qui remettent en question le concept d’œuvre d’art, le processus de création et sa réception. Parallèlement, il expose dans de nombreux musées et galeries à travers le monde, comme au Verksmidjan Art Center d’Hjalteyri en Islande avec Spennistöð/Powerhouse (2021) ou en France avec Home Wall Drawing, L’art de manger (2004). Son travail traite fréquemment de la relation entre la mémoire personnelle et la mémoire collective, ainsi que des notions de passage, de métamorphose et de cyclicité, comme l’illustrent Moon Walks (New York et Montréal, 2011), Le Somnambule et Rythme circadien, ses contributions à la Manif d’art de Québec (2024).

Figure notable de l’art contemporain, François Morelli continue de livrer et d’encourager l’analyse des processus de création, que ce soit par sa pratique ou l’enseignement, activités qu’il combine toujours aujourd’hui.

« Si mon travail et ma vie ont pu contribuer et éclairer un peu ce qu’on a été comme société, comme culture en arts visuels, alors je suis fier, je suis reconnaissant. Et il y a tellement d’autres personnes autour de moi de qui j’ai appris… »

 

Aline Desjardins

Aline Desjardins est indissociable de la Révolution tranquille. On retiendra son parcours exceptionnel, sur plus de 40 ans, à travers l’histoire des médias québécois et les répercussions qu’elle exercera sur l’émancipation des femmes en devenant le premier visage féminin à la barre de l’une des plus importantes émissions d’information à la Société Radio-Canada (SRC) :  Femme d’aujourd’hui.

Originaire de Saint-Pascal-de-Kamouraska, elle est la benjamine d’une fratrie de 11 enfants. Il y a sa mère, dont la vie est rythmée par le patriarcat, la religion et les maternités, mais plus encore, dès ses 8 ans, de 1942 à 1946, il y a la voix de sa sœur Marcelle qui émane de cette boite étrange dans la cuisine : la radio!

L’importance de ces 2 modèles féminins sera fondatrice. Tout au long de sa vie, Aline Desjardins sera habitée par 2 feux intérieurs : l’égalité homme-femme et le journalisme.

« Il faut des modèles pour s’accrocher et nourrir ses aspirations. À Femme d’aujourd’hui, on présentait des femmes qui faisaient carrière en sociologie, en oncologie et même une monteuse chez Hydro-Québec! C’est important de ne pas se sentir limité dans ses choix », revendique-t-elle.

En juin 1956, diplôme de pédagogie en poche, elle devient la première femme annonceure à la radio de CKBM, à Montagny.

En 1957, à Sherbrooke, elle travaille pendant 6 ans à la radio et devant la caméra, à CHLT-TV. En 1962, elle est la première femme à remporter le trophée de la meilleure émission d’information.

En 1964, elle commence sa carrière à la SRC. Elle devient la première femme journaliste et annonceure à la nouvelle station de télévision régionale de Québec, CBVT.

De 1966 à 1979, elle est journaliste et animatrice à l’émission Femme d’aujourd’hui, l’œuvre maîtresse de sa carrière, où elle donne la pleine mesure de ses talents.

À partir de 1968, on la retrouve seule à la barre de la quotidienne qu’elle façonne à son image. Appuyée par une équipe de femmes recherchistes, elle innove en quittant l’univers des sujets traditionnellement genrés, jusqu’alors associés aux femmes.

Ainsi, elle brise des stéréotypes, comme : l’information n’intéresse pas les femmes; parler des femmes n’est pas digne d’intérêt; ou, pour être sérieuse, l’information doit être animée ou parrainée par un homme.

La décennie 1970 sera marquante. Aline Desjardins devient une tête d’affiche de l’information. Elle s’affirme en tant que féministe, incarne l’émission et devient à son tour un modèle. Le Montreal Star, à son sujet, titrait « The queen of French TV » (1970).

C’est une femme de carrière libre, célibataire, indépendante, distinguée, mais aussi accessible, joyeuse et inspirante. Malgré un horaire de diffusion atypique, en après-midi, les cotes d’écoute connaissent des pointes qui frôlent le million. Les femmes, majoritairement au foyer, sont captivées.

L’animatrice présente aux Québécoises, et au Canada français, les manifestations du Women’s Lib des États-Unis et de l’Angleterre (1971), les rencontres de l’Année internationale de la femme (1975), puis les réalités des femmes d’ailleurs : Japon, Mexique, Côte d’Ivoire, France, etc.

Le contenu est diversifié : société, culture, politique; et la visibilité des femmes priorisée. Aucun sujet n’est tabou : avortement, homosexualité, divorce, etc. Aline Desjardins milite pour l’avortement libre et gratuit!

Elle sera le liant entre les sujets, les reporters-pigistes et la vingtaine de réalisateurs en rotation chaque jour. Elle mène de front animation, entrevues, tables rondes, reportages ainsi que tournages en studio et sur le terrain.

Tout au long de sa carrière, elle cumule les premières historiques. À partir de 1986, elle investit un nouveau bastion masculin : l’environnement.

Elle est la première femme journaliste à animer occasionnellement La semaine verte. De 1987 à 1990, elle s’impose comme première femme à l’animation de l’émission radiophonique quotidienne culte D’un soleil à l’autre. Enfin, entre 1990 et 1995, elle devient la première femme journaliste à concevoir et à animer une émission sur l’horticulture, Des jardins d’aujourd’hui, qui sera diffusée sur TV5 dans 80 pays.

Grâce à son charisme, à son travail, à son humour et à son sens de l’écoute exceptionnel, la journaliste se démarque par la qualité de centaines d’entrevues menées auprès de sommités d’horizons variés.

Cette intellectuelle-vulgarisatrice donne de la crédibilité à tout ce qu’elle touche. Elle respecte l’intelligence de son auditoire et considère qu’une information de qualité est un catalyseur pour l’élévation des consciences.

Son amour pour la langue française, son érudition et son timbre légèrement voilé en ont fait l’une des voix féminines les plus légendaires de la SRC.

Féministe engagée et dévouée, elle porte la voix d’organismes qui se consacrent à la cause des femmes : Ligue des droits et libertés du Québec (1974-1976), Carrefour pour elle, à Longueuil (1987-2000), Les Femmeuses qu’étaient ces formidables expos destinées à financer des maisons d’hébergement (1987-2006), Vues et voix (1999-2013), etc.

Aline Desjardins fait partie de ces grandes journalistes féministes pionnières, qui ont marqué l’histoire du Québec en balisant des routes par lesquelles ont, par la suite, pu passer les générations de femmes qui l’ont suivie.

Lorsqu’elle jette un regard rétrospectif, la journaliste ne peut s’empêcher de dire :

« On n’a pas toujours cru que les femmes qui travaillaient à Femme d’aujourd’hui étaient de vraies journalistes, alors je suis ravie de voir que les temps ont changé! ».

Denis Côté

Le réalisateur Denis Côté possède dans le regard l’étincelle de celles et ceux qui savent avoir eu de la chance et dans son talent, une source précieuse de richesse créatrice. En moins de 20 ans de carrière, il compte déjà à son actif une quinzaine de courts métrages, autant de longs métrages, 1 moyen métrage et la captation d’un concert.

« Avoir fait autant de films en si peu de temps, je ne me l’explique pas, d’autant plus que j’étais en insuffisance rénale sur pratiquement 17 ans. Quand je repense au peu d’énergie que j’avais à l’époque, le caractère prolifique de ma carrière malgré la maladie me surprend moi-même ! », confie celui qui a recouvré la santé grâce à Olivier Bilodeau, ancien directeur de programmation du Festival de cinéma de la ville de Québec, qui lui a généreusement offert l’un de ses reins.

Après des études en cinéma au collège Ahuntsic de Montréal, Denis Côté se lance dans les courts métrages entre 1994 et 2005, avant d’opérer une transition vers les longs métrages. Parallèlement à ses activités de cinéaste, il se démarque par une plume incisive, engagée et analytique en tant que critique cinéma et met à profit sa compréhension des aspects techniques et artistiques pour explorer les implications plus larges des œuvres filmiques.

Son premier long métrage, Les États nordiques (2005), est remarqué aussi bien au Québec qu’à l’international. Que ce soit dans sa volonté d’embrasser le progrès (par exemple avec l’emploi de petites caméras numériques encore rares à cette période) ou de miser sur une approche documentaire, il tend à établir de nouveaux standards. Il prône une économie de moyens qu’il met au service d’une production de films plus importante et d’une exploration constante des limites du langage cinématographique.

En 2009, Carcasses lui ouvre les portes de la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes et confirme sa place parmi les cinéastes les plus prometteurs de sa génération.

Très actif, il tourne 6 films en 7 ans, chacun lui permettant de s’interroger sur l’apport de la mise en scène dans les plans, le style visuel et la construction narrative. Curling (2010) s’inscrit ainsi dans une inspiration fantastique et Bestiaire (2012) dans une démarche plus expérimentale. Tout en restant fidèle à ses principes de langages cinématographiques, il passe des sélections parallèles des grands festivals aux sélections officielles. Et c’est avec Vic et Flo ont vu un ours (2013) qu’il remporte l’Ours d’argent à Berlin. Son parcours à la fois éclectique et cohérent continue de le distinguer, comme le démontrent les films Boris sans Béatrice (2016), Hygiène sociale (2021) ou encore, Un Été comme ça (2022). Sa plus récente production,  Mademoiselle Kenopsia (2023), qui s’intéresse à la redéfinition des espaces dans un contexte postpandémique, est présentée, entre autres, en première nord-américaine au Festival international du film de Toronto et en première québécoise aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal.

Loin de vouloir s’installer dans un confort créatif, Denis Côté cherche en permanence à déjouer les attentes et à s’écarter des conventions généralement établies. « Je pratique le cinéma un peu comme un peintre va peindre, c’est-à-dire que le geste est plus important que l’œuvre finale ou son rayonnement. Je n’ai pas besoin de cette ambition-là de chef-d’œuvre ultime », exprime-t-il.

Tantôt original, tantôt radical et toujours exigeant, il amène le public à stimuler son intellect, plutôt qu’à se concentrer sur des récits narratifs directs ou des personnages emblématiques. Et cette réflexion profonde se fait souvent par le prisme de la solitude, des peurs intimes et de l’aliénation, thèmes chers au cinéaste.

Son cinéma exempt de compromis, qui explore des questions universelles avec une image numérique inédite et une mise en scène singulière, démocratise le cinéma d’auteur indépendant et contribue à élargir son audience. Et bien que Denis Côté se garde de se considérer comme un chef de file du Renouveau du cinéma québécois, mouvement amorcé entre les années 2004-2005, son influence est indéniable.

Même si son cheminement respecte des balises immuables, il est néanmoins teinté de la collaboration des actrices et acteurs qui le parsèment et qui lui ouvrent des perspectives inattendues sur son propre travail. Une collaboration enrichissante et réciproque, puisque le cinéaste encourage les interprètes à sortir du jeu académique pour offrir une prestation plus authentique et, bien sûr, hors du commun.

Par la langue, les problématiques qu’il aborde et les paysages régionaux qu’il met de l’avant, Denis Côté est un observateur passionné du Québec qui a su s’inscrire comme une personnalité incontournable de sa culture cinématographique… et comme une inspiration pour contribuer à élever le cinéma d’auteur indépendant sur la scène internationale, lui dont chacun des longs métrages a été présenté en première mondiale dans 5 des plus prestigieux festivals du monde.

« Ce prix, ça n’a rien à voir avec les festivals, c’est comme l’impression d’être arrivé chez moi. L’État québécois qui salue mon travail, il y a quand même une très grande fierté. C’est juste assez étrange parce que je suis encore jeune! » nuance-t-il, le sourire dans la voix.

 

Denis Gougeon

Denis Gougeon découvre ses aptitudes pour la musique à l’adolescence. Il commence en autodidacte son apprentissage de la théorie musicale et, à 15 ans, agrandit ses perspectives avec la guitare. Le récital solo qu’il donne peu de temps après le conforte dans sa vocation.

Après un diplôme en guitare, un baccalauréat en musicologie ainsi qu’une maîtrise en composition, sa carrière prend son envol dans les années 1980.

Doté d’une énergie inventive qui n’aura de cesse de l’habiter, le compositeur décroche ses premiers contrats et ne tarde pas à recevoir des commandes de différents horizons : Ludus (1980) pour l’ensemble Répercussion, Éternité (1985) pour son épouse, la soprano Marie-Danielle Parent, ou encore Heureux qui, comme… (1987) pour la Société de musique contemporaine du Québec. Nombreux sont les solistes, ensembles et institutions à profiter de sa versatilité et de son appétence envers différents genres musicaux.

L’année 1989 s’avère particulièrement importante pour lui, car elle marque son entrée en résidence à l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) en tant que premier compositeur, poste qu’il occupera jusqu’en 1992.

Rares sont les personnes qui, dans ce milieu, peuvent vivre entièrement de leur œuvre. Denis Gougeon est une exception à la règle, à tel point que l’on n’hésite pas à parler de « puissance créatrice » pour le décrire. En 1 an, entre 1992 et 1993, il n’écrit pas moins de 9 pièces, élevées au rang de classiques pour certaines, à l’image d’Un train pour l’enfer (1993). De nouveau, entre 1999 et 2000, il compose 6 œuvres, dont le conte musical Planète Baobab (2000). Danse, littérature, théâtre, jeunesse : le milieu de la culture ne tarit pas d’éloges devant son écriture. Un talent d’où se dégage, comme le dit volontiers Denis Marleau, metteur en scène, « une variété de sentiments et de sensations, de rythmes et de couleurs, une manière vibrante de donner à entendre les sons de la vie. »

Si on complimente souvent le compositeur pour sa maîtrise de l’orchestration et sa faculté à mettre en valeur chacun des instruments, nombreux sont les membres de la communauté artistique à relever ses qualités humaines. Authentique, généreux, accessible : il tient compte de la personnalité des interprètes pour qui il crée, se soucie de nourrir leur enthousiasme et de construire une relation privilégiée dans toutes ses collaborations. « On ne peut imposer notre musique. C’est seulement par les sons que l’on peut attirer leur attention et les convaincre de commander une œuvre. Et pour moi, écrire une œuvre sur mesure, inspirée par les interprètes, c’est le bonheur », confie-t-il.

C’est sans doute cette volonté de partage qui le met sur la voie de l’enseignement. Chargé de cours à l’Université de Montréal de 1985 à 1988, professeur de composition invité à l’Université McGill de 1986 à 1987, il intègre la faculté de musique de l’Université de Montréal en 2001.

Dans les années 2000, il continue d’agrandir son champ des possibles. En 2001, il compose Clere Vénus, qui remportera un Prix Juno. En 2002, ARTE! pour le 100e anniversaire de l’Orchestre symphonique de Québec et Alice au pays des merveilles pour l’Arsenal à musique en 2003.

Du festival Tuckamore à Terre-Neuve au Manitoba Theatre for Young People, en passant par Esprit orchestra en Ontario, il devient incontournable sur la scène canadienne. Cette notoriété, qui lui fait franchir les barrières disciplinaires au ballet comme au théâtre, l’amène également à traverser les frontières du pays. Fait peu courant pour un compositeur québécois, son travail résonne tout autant à l’étranger. Ce statut particulier s’illustre par de prestigieuses commandes pour la musique de 2 ballets  : Emma B. (1998) pour le Bayerisches Staatsballett de Munich et Liaisons dangereuses (2000) pour le Ballet national de Norvège.

Depuis 4 décennies, sa contribution est considérable avec plus de 120 œuvres pour orchestre, musique de chambre, opéra, ballet, scène, instruments solistes et voix. Malgré tout, Denis Gougeon n’en a pas fini avec la création et possède une volonté toujours aussi intacte d’apporter sa pierre à l’édifice musical. En 2024, Jubilate!, sa partition orgue-orchestre, a été présentée en clôture de saison par l’OSM.

« Je continuerai de composer tant que j’aurai la santé et de bonnes idées. J’aimerais beaucoup composer un opéra, mais cela prend des moyens et du temps. Alors, je n’ai pas encore poussé la chose, mais j’y réfléchis beaucoup. Des sujets m’intéressent; il faut juste trouver la bonne occasion pour le faire. »

Puisque ses compositions passées et actuelles continuent de s’inscrire comme des références, tout porte à croire que son influence n’est pas près de s’atténuer. « Ce prix, c’est l’invitation à la fête, celle de la reconnaissance, et c’est aussi se sentir accueilli par tous ceux et celles qui ont le Québec à cœur et au cœur », résume-t-il.

Élise Turcotte

Poète, romancière, essayiste : la diversité de plumes d’Élise Turcotte n’a d’égale que la richesse des thèmes qu’elle aborde dans ses œuvres depuis ses débuts.

Avant d’obtenir une maîtrise en études littéraires à l’Université du Québec à Montréal et un doctorat à l’Université de Sherbrooke, elle publie, à l’âge de 21 ans, ses premiers poèmes dans la revue La Nouvelle Barre du jour. En 1982, son premier recueil de poésie, Dans le delta de la nuit, est publié et, déjà, son style s’affirme à travers une langue inventive, à la fois dense et vibrante, qui vise à « déchirer le réel ». On y décèle une détermination à explorer, avec une lucidité étonnante, le chaos et l’incertitude de l’existence. Cette écoute inquiète du monde s’affirmera de plus en plus au cours des années.

« J’ai une tête chercheuse et je me suis beaucoup fiée à ma curiosité pour expérimenter et mêler les formes. J’ai aussi la volonté de faire se côtoyer le poétique et le politique. »

Elle se démarque rapidement par sa capacité à créer dans divers genres littéraires, pour un public varié, adulte comme jeune, et sa facilité à passer de la nouvelle au roman ou de l’essai au recueil. Ses ouvrages, riches en couches de signification, restent ancrés dans des expériences humaines universelles, d’où leur accessibilité à un large lectorat, malgré des formes hybrides et peu conventionnelles.

La reconnaissance arrive avec La Voix de Carla (1987) et La Terre est ici (1989), 2 recueils de poésie. Parallèlement, elle continue d’explorer son propre rapport à la création avec Le Bruit des choses vivantes (1991), son premier roman qui met en exergue une réflexion sur le temps qui passe, le corps et la mort, d’autres thématiques régulièrement disséminées dans son œuvre.

Peu importe le support de son écriture, la critique lui fait une place de choix dans le répertoire littéraire du Québec. À titre d’exemples, ses romans Guyana, La Maison étrangère, L’apparition du chevreuil et Rose derrière le rideau de la folie, livre jeunesse publié en 2010, ont tous été salués et récompensés par des prix. Sans compter les traductions, grâce auxquelles on constate que l’envergure de ses réalisations s’exporte bien au-delà de nos frontières.

Dans son impressionnante bibliographie, ses personnages sont surtout des femmes. Selon Jacinthe Gillet-Gelly, experte en histoire de l’écriture des Québécoises, par sa faculté à « exprimer un changement de position idéologique et un renouvellement des procédés d’écriture par rapport aux auteures typiques de la postmodernité », elle apparaît, dès la publication de son premier roman, comme une figure clé dans la naissance d’un nouveau féminisme.

À ce sujet, l’essai Autobiographie de l’esprit (2013) et le livre Autoportrait d’une autre (2023) sont décrits comme étant intrinsèquement liés, que ce soit par le regard sur une époque ou la nécessité d’écrire contre les oublis dans l’Histoire, en particulier en ce qui a trait à la parole des femmes. Ce dernier ouvrage, qui s’intéresse à la vie de sa tante, Denise Brosseau, est d’ailleurs né d’une volonté de raconter une existence étonnante, qui méritait d’être exposée au grand jour.

Considéré par ses pairs comme son texte le plus achevé jusqu’ici, Autoportrait d’une autre fait intervenir plusieurs voix féminines et reflète définitivement sa vision de la littérature en tant qu’espace de dialogue et de sororité.

« Je n’ai pas l’habitude d’être fière de moi! Mais, je dirais que je suis contente d’être restée auprès de mon cœur sauvage, d’avoir toujours été dans un état de résistance, de délinquance dans mon écriture, de n’avoir jamais fait de concessions. »

Dans cette vie consacrée à l’écriture, l’enseignement et le partage cohabitent en harmonie avec la création. Professeure de littérature et de création pendant de longues années, elle collabore régulièrement à différentes revues et offre des classes de maître, des conférences, des ateliers ainsi que du mentorat. Sa ferveur et son engagement en font l’une des influences les plus marquées dans le travail d’autres autrices et auteurs du Québec et l’une des plus étudiées par les universitaires.

Parce qu’Élise Turcotte a toujours su se renouveler sans jamais déroger de sa cohésion thématique, parce qu’elle est capable de nous mettre en présence d’émotions profondes, parce qu’elle s’attelle à redonner une juste place aux récits souvent négligés des femmes, chacun de ses livres est attendu et espéré, et ce, depuis plus de 40 ans.

« Ce prix, étrangement, me libère de quelque chose. Pas du doute, car le doute a toujours fait partie de ma manière de créer, mais m’offre une sorte de réconfort et une porte ouverte vers l’avenir », exprime-t-elle.

Rémy Girard

Chacun des multiples personnages qu’il incarne le transcende et l’habite à un point tel que son auditoire conquis s’y laisse prendre chaque fois : Rémy Girard joue comme d’autres respirent, avec une déconcertante facilité et une étonnante véracité. Son nom est gage de succès assuré, tandis que son visage sympathique, familier à une vaste majorité, est apprécié d’emblée lors de ses apparitions. Partie intégrante du quotidien de la population québécoise depuis plus de 45 ans par l’entremise des planches et du petit écran, reconnu internationalement pour ses rôles également emblématiques au grand écran, il représente l’interprète par excellence.

C’est à la Faculté de droit de l’Université Laval que le fils du journaliste et homme politique Fernand Girard commence ses études. Parallèlement, il y intègre la troupe de théâtre Les Treize dans laquelle il peut laisser libre cours à sa passion première, le jeu, et développer, entre autres talents, celui pour l’improvisation.

« Après 2 ans et demi de droit, j’ai commencé à jouer au Trident et là, j’ai compris que je ne serais pas avocat. Alors, j’ai abandonné le droit au grand dam de mon père, mais, quand il a vu que je recommençais 3 ans d’études en théâtre, il s’est dit “Oh, il est sérieux!” », relate le diplômé du Conservatoire d’art dramatique de Québec.

Pendant sa formation, il fortifie ses aptitudes scéniques, notamment dans La Mort d’un commis voyageur (Théâtre du Trident, 1972). Au cours de cette période, il cofonde le Théâtre Parminou (1973), puis le Théâtre du Vieux-Québec, dont il a été directeur pendant 5 ans et où il collabore à la mise en scène de diverses productions.

Son activité sur les planches se poursuit à Montréal au début des années 1980. La Compagnie Jean-Duceppe, le Théâtre du Rideau Vert et, surtout, le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) sont autant de lieux culturels qui brillent par la virtuosité de son jeu. Mise à profit dans des pièces de répertoires variés, celle-ci lui permet de se faire rapidement une place de choix et un nom prisé dans le paysage théâtral québécois, mais également au petit et au grand écran.

Après quelques apparitions dans des films dont Les Beaux souvenirs (1981) de Francis Mankiewicz, il marque toute une génération et l’histoire du cinéma québécois avec Le déclin de l’empire américain de Denys Arcand en 1986, acclamé tant nationalement qu’internationalement. Son personnage de Rémy – ça ne s’invente pas! –, professeur d’histoire, intellectuel et bourgeois, demeure l’un des plus emblématiques de sa carrière.

Par la suite, les rôles qu’on lui confie s’enchaînent. Que ses personnages soient dramatiques ou comiques, il parvient à insuffler à chacun profondeur et authenticité. Alors qu’il continue de fouler les planches avec La Trilogie des Brassard (Théâtre d’Aujourd’hui, 1991) et Le Voyage du couronnement (TNM, 1995), il crève l’écran dans Séraphin : un homme et son péché (2002) et, surtout, dans Les invasions barbares (2003), la suite du film Le déclin de l’empire américain où il reprend le fameux rôle de Rémy. Sa performance est de nouveau saluée, entraînant du même coup une visibilité internationale ainsi qu’une rencontre avec Steven Spielberg. De son incursion américaine, on retient également une apparition dans la comédie hollywoodienne Blades of Glory, en 2007.

« Je n’aurais jamais pensé, quand j’ai fait l’école de théâtre, que ma carrière se passerait presque uniquement au cinéma. Je pensais que je ferais surtout du théâtre ou de la télévision, mais finalement, je suis devenu un acteur de cinéma. Et j’en suis très fier, car je ne me sens jamais aussi à l’aise que sur un plateau », admet-il.

La concrétisation télévisuelle de sa carrière s’opère dans de populaires séries québécoises dont Emma (2000-2003), Bunker, le cirque (2001) et La Petite Vie (1993-1998). Mais c’est avec Les Boys (1997-2002) et Les Bougon, c’est aussi ça la vie (2003-2006) qu’il conquiert un plus large public et marque durablement son auditoire. De la versatilité de l’acteur, on garde en mémoire un jeu plus sombre dans District 31 (2020-2022) ou la minisérie historique autochtone Bones of Crows (2023).

Son talent apparemment inné pour incarner des humains dans toute leur vérité, à la fois complexes et attachants, s’approprier des textes classiques ou rendre justice à des créations populaires fait de lui un comédien accessible à qui l’on peut s’identifier.

Animateur, producteur, chanteur, acteur à la double carrière québécoise et canadienne anglophone et ayant joué dans le plus grand nombre de films québécois, interprète de plus d’une quarantaine de personnages au théâtre et récipiendaire de nombreux hommages, prix et distinctions : Rémy Girard ne s’essouffle jamais devant les nombreuses occasions qui lui sont offertes et cumule les records.

« Je pense que j’ai le record au Canada de prix pour le cinéma, mais cette reconnaissance-là de mon gouvernement, c’est vraiment quelque chose qui m’a touché profondément », confie-t-il, la voix pleine d’émotion.

Sylvie Belleville

Sylvie Belleville, spécialiste reconnue dans le domaine de la maladie d’Alzheimer, est une pionnière dans la recherche sur le prodrome de cette maladie et sur la santé cognitive des personnes âgées. Ses travaux ont permis d’identifier des marqueurs précoces de la maladie et de développer des interventions reconnues mondialement, contribuant ainsi à une meilleure détection et à une prise en charge plus efficace de la maladie. Elle a dirigé le Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (CRIUGM) pendant plus d’une décennie, et sa carrière est marquée par la création de structures comme le Consortium pour l’identification précoce de la maladie d’Alzheimer (CIMA-Q). Ses recherches ont un impact considérable sur la prévention et le ralentissement de la détérioration cognitive. Pour elle, recevoir un Prix du Québec représente beaucoup : « [c’]est un grand bonheur et une immense fierté d’être reconnue par le Québec, qui a créé tout au long de ma carrière un environnement exceptionnel où j’ai pu déployer mes ailes et me consacrer avec passion à la recherche dans le domaine du vieillissement. Je ressens également une profonde émotion, car cette récompense transcende ma personne et rejaillit sur ma mission : témoigner de l’importance du vieillissement, de ses effets sur le cerveau et sur la cognition, et de la possibilité que nous avons d’agir pour préserver et améliorer la santé cognitive à tout âge. »

La carrière de Sylvie Belleville est jalonnée d’initiatives novatrices ayant des répercussions profondes sur la recherche et les politiques publiques en matière de vieillissement. Après avoir obtenu un doctorat en psychologie à l’Université McGill, elle a ouvert la voie à l’étude des prodromes de la maladie d’Alzheimer, identifiant des signes précurseurs qui permettent d’en prévoir l’apparition plusieurs années avant les symptômes cliniques. Ces avancées ont donné lieu à des interventions précoces qui ralentissent la progression de la maladie et qui sont aujourd’hui largement utilisées dans le monde.

En tant que directrice du CRIUGM de 2009 à 2021, elle a su transformer cet institut, qui est ainsi devenu le plus grand centre de recherche en gériatrie de la francophonie. Le nombre de chercheuses et chercheurs affiliés a considérablement augmenté sous sa direction, et elle a contribué à la création d’une banque de participants regroupant près de 1 200 personnes qui contribuent à des recherches à grande échelle sur le vieillissement. Elle a également dirigé le CIMA-Q, un consortium de plus de 130 chercheuses et chercheurs qui travaillent à identifier des symptômes précoces de la maladie d’Alzheimer. L’effet de cette initiative se fait déjà ressentir dans les domaines de la neurologie et des sciences cognitives.

En 2014, elle a lancé le programme AvantÂge, qui s’est donné pour mission de diffuser les résultats de ses recherches auprès du grand public à travers des conférences et des ateliers. Ce programme a touché près de 45 000 personnes vieillissantes en les sensibilisant aux stratégies susceptibles de préserver leur santé cognitive.

Aujourd’hui, elle est également directrice du Réseau québécois de recherche sur le vieillissement (RQRV), qui fédère plus de 500 chercheuses et chercheurs de partout au Québec. Sous sa direction, le RQRV est devenu un acteur clé de la recherche intersectorielle sur le vieillissement au Québec. L’objectif principal de ce réseau est de promouvoir la collaboration entre différents secteurs pour répondre aux défis posés par une population vieillissante.

« Je suis très fière d’avoir contribué à mieux comprendre et intervenir dans les phases très précoces de la maladie d’Alzheimer. Mes travaux ont révélé que les phénomènes de plasticité cérébrale étaient à l’œuvre lors du vieillissement et dans les premiers stades de la maladie. Je suis également fière d’avoir [contribué à la création et] au développement de structures qui font avancer les connaissances sur le vieillissement et la maladie d’Alzheimer. »

Sylvie Belleville voit encore de nombreux défis à relever dans les années à venir. Elle souhaite non seulement continuer à faire avancer la recherche sur le vieillissement, mais aussi s’assurer que les résultats de ses travaux seront mis en œuvre sur le terrain pour améliorer la qualité de vie des personnes aînées.

« Même si le domaine a beaucoup progressé sur le plan scientifique, l’une des leçons les plus marquantes de ma carrière est qu’il n’est jamais simple d’amener les découvertes scientifiques sur le terrain. C’est l’un de mes objectifs pour les prochaines années : faire en sorte que les outils, programmes, interventions et initiatives que les chercheurs développent pour favoriser la santé cognitive puissent être accessibles et utiles par ceux-là mêmes qui en ont besoin. »

Sylvie Belleville continue d’inspirer, avec l’objectif de changer la vision du vieillissement, pour qu’il soit perçu comme une occasion d’enrichissement et ouvre de nouvelles perspectives.

Jacques Simard

Le parcours de Jacques Simard, chercheur exceptionnel et leader innovateur, est plus qu’impressionnant. Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en oncogénétique de 2001 à 2022, il a été un réel pionnier de la génomique humaine au Canada. Il a consacré sa carrière à la lutte contre les cancers hormono-sensibles. Sa plus grande fierté, à juste titre, est sa contribution à la découverte du gène de prédisposition aux cancers du sein, de l’ovaire, de la prostate et du pancréas, soit le gène BRCA2, ainsi qu’à la caractérisation des mutations du gène BRCA1, en particulier chez les familles canadiennes au milieu des années 90.

« Cela a été la pierre angulaire pour le développement d’un test génétique qui a permis à des millions de personnes à haut risque et à leurs proches à travers le monde d’être testés pour la présence de mutations dans ces gènes, améliorant ainsi la prévention, la surveillance, la détection précoce et leur prise en charge clinique, conduisant ultimement à une diminution significative de la mortalité due à la maladie. Tout récemment, notre étude de grande envergure a permis d’identifier plusieurs nouveaux gènes de susceptibilité associés au risque de cancer du sein, ce qui permettra d’améliorer la précision de tels tests », explique-t-il.

Grâce à sa détermination et à sa ténacité, un très grand nombre de vies ont été sauvées.

Généreux de son temps, ce chercheur a toujours accordé une grande importance à la communauté universitaire afin d’offrir un milieu et des infrastructures de recherche de calibre mondial. En participant à la formation interdisciplinaire de nombreux étudiants, il a su inspirer une nouvelle génération de scientifiques.

Jacques Simard est l’auteur de plus de 525 publications ainsi que de 600 résumés et détenteur de plusieurs brevets. Les travaux de ce véritable influenceur du monde scientifique ont été cités plus de 45 000 fois et à près de 20 000 reprises depuis 2018. Grâce à ses projets d’envergure, à son dévouement et à son esprit rassembleur, il a été récompensé à maintes occasions. En 1999, il a reçu le prix Richard-E.-Weitzman de l’Endocrine Society puis, en 2006, il a été élu membre de l’Académie canadienne des sciences de la santé. En 2017, le prix Acfas Léo-Pariseau et le titre de Grand Lauréat Le Soleil–Radio-Canada lui ont été décernés. Le Prix scientifique/médical/recherche de la Fondation du cancer du sein du Québec lui a été remis en 2018 de même que la médaille Gloire de l’Escolle des Grands Diplômés de l’Université Laval en 2019. Il a également été intronisé à la prestigieuse Académie des sciences de la Société royale du Canada en 2021 et à l’Académie des Grands Québécois, secteur Sciences, en 2023.

Jacques Simard est présentement vice-doyen à la recherche et à l’innovation de la Faculté de médecine de l’Université Laval, professeur titulaire au Département de médecine moléculaire et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval. Depuis 25 ans, il s’est impliqué dans l’organisation stratégique de la recherche en santé de même que le transfert des technologies par sa participation à de nombreux conseils d’administration d’organismes subventionnaires et de comités consultatifs. À cet égard, il occupe d’ailleurs le rôle de président du comité de coordination de la recherche du Réseau québécois de diagnostic moléculaire du ministère de la Santé et des Services sociaux, et il siège au comité d’investissement Innovation et capital de risque du Fonds de solidarité FTQ.

Encore aujourd’hui, Jacques Simard met en œuvre ses talents de chercheur pour cette cause qui lui tient à cœur. « Nous complétons les analyses d’un projet d’envergure afin d’élaborer un cadre de référence pour soutenir la mise en œuvre d’une approche personnalisée de dépistage du cancer du sein fondée sur le risque individuel des femmes afin de générer des données probantes sur la faisabilité, l’acceptabilité, l’adoption et la rentabilité d’une telle approche de dépistage au niveau populationnel. Ce changement de paradigme permettra en particulier de mieux desservir les jeunes femmes qui sont à risque élevé de la maladie et qui échappent présentement au programme de dépistage standard, qui utilise principalement l’âge comme critère d’éligibilité. »

Malgré tous ses accomplissements, Jacques Simard continue son parcours prodigieux avec la même passion qu’à ses débuts. « Tout au long de ma carrière, j’ai eu le privilège de collaborer sur la scène nationale et internationale avec des experts passionnés et partageant une vision commune. » Selon lui, le prix Wilder-Penfield « illustre sans équivoque l’importance du travail d’équipe et la pertinence de mobiliser tous les acteurs dans la transformation des connaissances en actions concrètes pour l’amélioration des approches de prévention, de détection précoce et de traitement du cancer ciblant les personnes les plus susceptibles d’en bénéficier ».

Christian Messier

Christian Messier est un professeur et un chercheur mondialement reconnu en foresterie et en écologie. Développant son expertise depuis près de 30 ans, il est l’un des rares chercheurs de ce domaine à concilier la recherche fondamentale, axée sur l’avancement des théories de la complexité en écologie, avec la recherche appliquée, liée au développement des pratiques de foresterie durable.

Professeur au Département des sciences naturelles de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) depuis 2013 et au Département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) depuis 1992, il mène des travaux portant principalement sur deux axes. Le premier est l’étude du fonctionnement complexe des systèmes forestiers naturels qui visent à développer des approches d’aménagement favorisant la résilience face aux changements globaux. Le deuxième est l’étude des arbres et des forêts urbaines, qui a pour but de concilier les besoins des arbres et les exigences des infrastructures urbaines en minimisant les effets négatifs sur les arbres et en optimisant les avantages apportés par les aménagements. Ses contributions touchent les théories écologiques, la diversité fonctionnelle, la résilience des écosystèmes et les pratiques durables, repoussant sans cesse les frontières de la recherche autant en milieu rural qu’en milieu urbain.

« L’obtention de ce prix est une surprise totale pour moi, surtout en regardant la liste des gens extrêmement talentueux qui l’ont reçu avant moi. Je ressens une grande fierté, mais surtout le sentiment du devoir accompli. Je l’accepte non pas comme une reconnaissance individuelle, mais plutôt comme un travail d’équipe colossal. Je ressens donc le sentiment d’un travail d’équipe extraordinaire très bien fait. »

Christian Messier commence sa formation en génie forestier en 1984 à l’Université Laval et poursuit ensuite des études supérieures en sciences forestières à l’Université Laval ainsi qu’à l’Université de la Colombie-Britannique. Après avoir travaillé un an à l’Université d’Helsinki, en Finlande, comme chercheur postdoctoral en écologie forestière, il entre en fonction en tant que professeur au Département des sciences biologiques de l’UQAM en 1992.

Depuis 1995, M. Messier s’intéresse à la gestion durable des forêts en s’impliquant dans le Réseau de centres d’excellence sur la gestion durable des forêts, qu’il codirige de 1996 à 2002.

En 1999, il introduit avec succès l’approche novatrice du projet Triade, visant à équilibrer les aires protégées et les pratiques forestières durables. Sous sa direction, une collaboration entre une grande entreprise forestière et le gouvernement du Québec a permis de tester cette approche sur un million d’hectares. Après 13 ans d’expérimentation et de publications, elle a été adoptée dans la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier en 2013 et a trouvé écho à l’international.

L’une de ses contributions significatives est la proposition d’un changement de paradigme majeur en foresterie par l’approche des réseaux complexes fonctionnels. Cette approche a été reconnue dans le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat comme essentielle pour la résilience des forêts à l’égard des changements climatiques.

Ses champs d’intérêt s’étendent également à l’écologie urbaine, où il a conçu des outils novateurs tels que SylvCiT pour maximiser la résilience des arbres face aux menaces actuelles et futures. Cet outil a été retenu par le Programme des Nations Unies pour l’environnement comme un exemple probant de solution ancrée dans la nature pour la lutte contre les crises simultanées que constituent les changements climatiques et la perte de biodiversité.

Chef de file en foresterie et en écologie, Christian Messier a formé une génération de nouveaux chercheurs, contribuant ainsi à l’avancement du domaine. Sa réputation a attiré au Québec des étudiants de partout dans le monde.

« Ce qui me rend le plus fier, c’est la réussite des étudiants que j’ai eu la chance de rencontrer et d’influencer. J’ai pu côtoyer des jeunes gens très talentueux et extrêmement dédiés à la cause environnementale et à la forêt. Les voir s’accomplir et réussir constitue une grande source de fierté pour moi. »

En plus de son implication auprès de la relève, il s’engage activement dans la transmission de ses connaissances au grand public par la publication d’ouvrages et sa participation à de nombreuses émissions de vulgarisation scientifique. La création en 2018 de l’entreprise Habitat, dont la mission est de proposer des solutions fondées sur la nature pour le maintien d’écosystèmes urbains et naturels toujours plus résilients avec des organisations publiques et privées, fait écho à sa contribution au partage de connaissances dans le domaine de l’écologie.

La passion de Christian Messier pour la transformation durable du secteur forestier l’a conduit à collaborer avec divers groupes et individus, favorisant ainsi l’émergence d’une élite mondiale de chercheurs en foresterie et en écologie forestière. De plus, ses réalisations lui ont valu de nombreux prix prestigieux au Québec et à l’international, tous en reconnaissance de l’excellence de son travail scientifique.

En somme, M. Messier est un chercheur d’exception dont les contributions et l’engagement ont eu des retombées significatives sur la science, la société et la gestion des ressources naturelles, tant au Québec que sur la scène internationale.

« Je dirais honnêtement que j’ai largement dépassé mes rêves et mes objectifs les plus fous de recherche. Je n’ai jamais cru que je pourrais faire tout ce que j’ai réussi à faire. Le succès que j’ai eu est une surprise pour moi. Malgré tout cela, il me reste quand même l’objectif ultime de changer la façon fondamentale d’aménager la forêt, où l’aménagement ne se ferait pas dans un objectif de production de bois pour une utilisation humaine quelconque, mais plutôt dans un objectif d’avoir les forêts les plus résilientes possibles face aux changements globaux. Je viens d’obtenir une subvention pour les cinq prochaines années et j’espère pouvoir amorcer l’atteinte de cet objectif ultime avec ce nouveau projet, le plus gros de ma carrière. »

Maryse Lassonde

Après avoir obtenu un Ph. D. en neuropsychologie à l’Université Stanford en 1977, à seulement 23 ans, Maryse Lassonde a été professeure à l’Université du Québec à Trois-Rivières de 1977 à 1988, puis à l’Université de Montréal de 1988 à 2012. Elle a aussi été titulaire d’une chaire de recherche du Canada, niveau senior, de 2001 à 2013, ce qui lui a permis d’établir un laboratoire d’électrophysiologie cérébrale et d’imagerie optique au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine.

Nommée en 2013 professeure émérite au Département de psychologie de la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal et pionnière de la neuropsychologie de l’enfant, Maryse Lassonde a mené des travaux sur la réorganisation cérébrale faisant suite à des anomalies congénitales ou à des neurochirurgies effectuées dans un but thérapeutique chez des enfants épileptiques. Elle a également étudié les effets cognitifs de l’épilepsie chez l’enfant et la prématurité. Sa participation à l’évaluation clinique des contrecoups des commotions cérébrales chez les joueurs de la Ligue nationale de hockey l’a conduite à élaborer l’un des premiers programmes de recherche sur les répercussions des commotions cérébrales chez les athlètes.

« La neuropsychologie, soit l’étude de la relation entre le cerveau et le comportement, était jusque dans les années 1970 limitée aux recherches chez l’adulte. Mes travaux de recherche chez l’enfant et leurs applications cliniques ont favorisé l’émergence de cette nouvelle discipline tant au Québec qu’à l’étranger. » Ses travaux ont ainsi permis de développer des techniques novatrices d’imagerie cérébrale non invasives permettant d’étudier le cerveau des jeunes enfants et même des nouveau-nés.

Éditrice de 7 livres, elle a rédigé plus de 300 articles ou chapitres scientifiques et reçu de nombreux prix : Y des femmes de Montréal, catégorie Science; prix Marcel-Vincent de l’Acfas; prix Noël-Mailloux de l’Ordre des psychologues du Québec pour l’avancement de la neuropsychologie au Québec et dans le monde; prix Adrien-Pinard de la Société québécoise de recherche en psychologie; doctorat honorifique de l’Université du Québec à Trois-Rivières. De plus, elle est fellow de la Société canadienne de psychologie, de l’Académie canadienne des sciences de la santé et de la Société royale du Canada. Elle est également officier de l’Ordre du Canada et chevalière de l’Ordre national du Québec.

Maintenant, elle reçoit un prix du Québec. « Pour moi, ce prix représente le couronnement d’une carrière. Le prix Armand-Frappier m’est d’autant plus cher qu’il reconnaît à la fois la création d’un domaine de recherche et l’administration de la recherche. Ces deux volets définissent ma carrière, qui vient tout juste de prendre fin après 45 ans d’implication continue dans les domaines universitaires et gouvernementaux », confie-t-elle.

Ses réalisations ne se limitent pas au domaine scientifique. Maryse Lassonde s’est impliquée dans de nombreuses organisations. Ainsi, après 75 ans d’histoire, elle a été la troisième femme à présider l’Acfas (1993) et la troisième femme élue à la présidence de la Société royale du Canada (2015-2017), soit l’Académie des sciences, des lettres et des arts du Canada, fondée en 1882. Elle a aussi présidé le Conseil de l’Ordre national du Québec, où elle a établi, en partenariat avec l’Agence universitaire de la Francophonie, des stages de recherche dans des laboratoires de membres de l’Ordre, accueillant ainsi des étudiants des pays du Sud.

De janvier 2012 à juillet 2018, elle a été la première directrice scientifique du Fonds de recherche du Québec – Nature et Technologies, où elle a travaillé à la bonification des programmes et à la promotion des activités de recherche, en plus d’être l’instigatrice de nombreux partenariats internationaux. Elle est également à l’origine de plusieurs programmes et initiatives visant à assurer une présence accrue des femmes en science et en génie, tant dans les collèges et les universités que dans le secteur privé.

Récemment, soit de 2018 à 2022, Maryse Lassonde a été présidente du Conseil supérieur de l’éducation, où elle a, entre autres, continué des activités favorisant l’inclusion et la diversité en éducation et en science de même que la promotion de la recherche au collégial. Retraitée depuis 2022, elle poursuit des activités de bénévolat international (Rwanda, Suriname, Côte d’Ivoire) en tant que consultante auprès du Centre d’étude et de coopération internationale et de Catalyste+.

Maryse Lassonde est mère de deux filles et a quatre petits-enfants. Dans un article paru dans Le Devoir en 1987, elle faisait déjà état des difficultés de la conciliation famille-travail, indiquant que le « 5 à 9 » est tout aussi demandant que le « 9 à 5 ». Par l’expérience personnelle qu’elle a portée à travers ses diverses fonctions, elle a grandement contribué à valoriser et à favoriser le rôle des femmes en science.

« Dès l’adolescence, je rêvais d’étudier le cerveau et d’en comprendre les mécanismes. Je crois avoir en partie accompli ce rêve tout en permettant à une magnifique relève étudiante de poursuivre mes travaux, possiblement dans de meilleures conditions grâce aux changements que j’aurai apportés en tant qu’administratrice de la recherche. Il existe toutefois encore beaucoup à faire afin d’assurer l’équité, la diversité et l’inclusion en science. »

Ses nombreux étudiants continueront à porter ce message après avoir eu la chance de bénéficier, au cours de leur formation, de la présence de cette femme exceptionnelle.